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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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10 février 2011

Caroline - Caroline, Yes ! & Garden Parti

Retrouver Caroline, le quartet de la contrebassiste Sarah Murcia est toujours la certitude d'entrer dans un univers familier, de trouver les fragrances d'une vision très cohérente et extrêmement précise de la musique qui se moque comme une guigne des étiquettes et des formats, des marqueurs commerciaux et de la volonté de coller à une influence unique ou de se fondre dans un courant.
C'est une tendance lourde, je l'ai déjà dit, de la jeune musique "créative" (au sens anglo-saxon que l'on voudra bien lui donner) européenne que de moquer les vieilles chapelles pour faire une musique qui puise ses racines dans la progression commune de ses musiciens, dans la ville et ses rumeurs, dans le mainstream le plus assumé comme dans la musique la plus complexe qu'elle soit. Cela peut certes devenir un posture un peu hype et de ce fait un brin pénible ; toujours sur cette frêle crête qui sépare la musique sophistiquée de l'ornière branchouille, Caroline nous régale.
Après un premier album, Monaco, qui lorgnait vers les musiques progressives des années 70, de Canterbury ou d'ailleurs, c'est un pas supplémentaire vers une expression hors format que le quartet développe dans ce double album qui joue un peu plus avec les codes.
Garden Parti, entre le jazz contemporain et le rock cérébral est vraiment le terrain de jeu du quartet, où il développe une musique très personnelle que Zappa, dans "Run", n'aurait pas renié. Si "Horses" fait un break presque pop dans l'album plus clairement jazz avec cette chanson interprétée par Sarah (elle chante, parfois, sur Arte...), le reste s'inscrit dans la lignée de Monaco.
Pour le reste, on notera également la dichotomie entre l'organique abrupte qui emplit "El Mito" en ouverture d'album (la fantastique tirade de contrebasse de Sarah Murcia relayée par Olivier Py au saxophone) et l'entropie électronique de Franck Vaillant ("Comme tout le monde") où s'illustre aussi le guitariste Gilles Coronado. Vaillant et Coronado livrent une prestation pleine faite d'overdubs et de jeu de pédale toujours à propos, qui termine l'album ("Géranium") dans un déluge électrique.
Le risque, lorsqu'on joue avec ces gadgets, est parfois de devenir lénifiant et démonstratif. Les musiciens de Caroline s'en gardent, utilisant pleinement les ressources à leur disposition pour sculpter un son élégant. Vaillant utilise son pad de batterie dans des sonorités étranges qui donne plus de profondeur, et Py se charge de développer les couleurs énoncées par la contrebassiste.
La surprise vient du second album, Caroline, Yes que l'on pourrait qualifier de "pop", si tant est que ce soit une terminologie qui aie un sens et que celle-ci constitue une surprise tant la musique jouée découle du biotope des musiciens de Caroline. Caroline, Yes est un exercice de style autour du prénom Caroline, reprenant des chansons de Lou Reed ou d'Henri Salvador avec des invités chanteurs. On pourra dire que c'est un peu commercial et tarte à la crème que de se soumettre à cet exercice. on pourra gloser sur certains chanteurs qui devraient s'offrir un peu plus de consistance, mais il s'agit d'écouter, et d'apprécier là aussi le travail particulièrement précieux sur les arrangements et les clins d'œil (la reprise de MC Solarr est à ce titre assez croustillante et rappelle Francis et ses Peintres dans lequel émarge Coronado...).
Il faut louer ici le son chaleureux et sensuel de Sarah Murcia, cette simplicité de son jeu qui prend tout son tanin sur la chanson "O Caroline" de Wyatt magnifiquement interprétée par Brad Scott. Son solo d'ouverture est magnifique de simplicité et donne du corps à cet album.
Il serait trop long de citer tous les morceaux. Certains sont un peu décevant ("Elle s'appelle Caroline"), mais au final, "Carolina Hardcore Ecstasy" de Zappa, repris par Las Ondas Marteles (poussant le luxe jusqu'à reprendre le travail de voix des Mothers) vaut à lui seul l'écoute attentive de l'album.
Dans un monde normal, Caroline serait en tête de gondole au rayon Rock-stars. Ce monde est imparfait et nous le partagerons qu'entre curieux.
Cela peut aussi être assez délectable.

Et une photo qui n'a strictement rien à voir...

20_Lyn

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