Vazytouille - Vazytouille
Certains cherchent des titres métaphysiques ou des clins d’œil. D’autres lance un groupe avec un concept précis et en trouvent le nom en fonction. Certains y donnent leur nom avec l’indication du nombre de musiciens. Il y a de mauvaises idées, des noms nébuleux, de la poésie, et puis des fulgurances, explicites et drôles.
Les quatorze musiciens de Vazytouille sont, aux queues de leurs casseroles, dans la dernière catégorie. C’est le label Circum qui nous présente ce jeune orchestre nordiste à la composition originale, tant par le violon de Nasiha Abdou et le violoncelle de Sureya Abdou, que par les deux saxhorn de Michael Pottier et Lune Grazilly… Il en résulte un univers très personnel, onirique, qui alterne les phases très écrites, qui vont d'une musique très contemporaines jusqu’aux abstractions chambristes, et les parties très improvisées (« Si… Si… »). Tout ceci dans la même casserole, avec la mijoterie et le temps nécessaire pour que les frontières se délitent dans les sucs et les flaveurs de la sauce…
Heureux Lillois ! Ils avaient la carbonnade flamande, ils ont Vazytouille…
Après le Circum Grand Orchestra, qui plongeait ses racines dans plusieurs genres entremêlés, voici le grand orchestre du collectif Zoone Libre, dont fait notamment partie le trio de Jérémie Ternoy, qu'on retrouve tout entier dans cet orchestre. Entre les deux orchestres, les ingrédients sont peu ou prou les mêmes : musiques improvisées, incursion dans les musiques contemporaines et tel un condiment, une pensée de rock. En surplus, le trompettiste Christian Pruvost accompagne les deux formations... Cependant, la recette de Vazytouille a une saveur plus acidulée, plus sucrée, plus frivole… En un mot plus enfantine.
On pense bien sur immédiatement à la suite « Masay-Christo » qui représente le véritable pivot de l’album ; des bribes de mots d’enfants découpés afin d'en perdre le sens global se transforment en phrases musicales qui construisent peu à peu un morceau espiègle et très bien construit. Globalement, il règne sur l’album une fragilité, une crédulité poétique touchante (« Titicaca » et sa voix flûtée…) qui tient de l’univers des contes.
L’album s’ouvre sur « Du jour » et une petite chanson entêtante bouclée qui semble se perdre dans la masse de l’orchestre soudain rudoyé par la guitare électrique de Jean-Louis Morais. Inévitablement, et notamment du fait de cette guitare, Zappa est convoqué à plusieurs reprises (ce chorus au propane proposé dans la première partie de « Orgiak Suite » !). Après plusieurs écoutes, les zappaïens intégristes (j’en suis !) penseront sans doute à l’influence d’un album et/ou d’une période, celle de 200 motels mais surtout d'Uncle Meat (1969-1971), notamment dans la seconde partie de « Masay Christo ». On aura des influences plus honteuses, surtout lorsqu'il s'agit d'évoquer Ruth et Ian Underwood comme inspiration évidente...
Vazytouille est une très belle découverte. Incontestablement une formation à suivre... Comme toutes les sorties de Circum, en somme !
Et une photo qui n'a strictement rien à voir...