Voï-Voï - Musique pour le vent
Le duo Voï-Voï fait partie de ces petits secrets insuffisamment partagés dont recèle la scène improvisée rouennaise, et principalement celle du collectif des Vibrants Défricheurs. On l'avait déjà évoqué il y a fort longtemps.
Ce collectif ne cesse de mûrir et de nous surprendre. Le fruit se gorge de sucre et l'arbre Papanosh ne cache heureusement pas la forêt créative qu'il précède. Ce duo violon/accordéon qui réunit Frédéric Jouhannet et Sébastien Palis, par ailleurs en charge des claviers chez Papanosh, en est l'exemple le plus patent.
Les balkans ont toujours revêtu une importance particulière pour le collectif rouennais. Pas seulement parce que c'est souvent le Cythère (logique...) de ceux qui aiment à s'aventurer dans les folklores imaginaires, mais parce que c'est un biotope réel. Pas seulement une chimère que l'on singe où que l'on croit connaître parce qu'une rythmique s'y prète.
Avec ce duo là, les défricheurs savent se faire également collecteurs : il n'est pas une danse macédonienne ou un air traditionnel kosovar qui ne soit pas passé sur l'archet de Jouhannet ; mais comme l'Est lointain est bien plus vaste que le territoire balkanique, l'accordéon de Palis sait se perdre en Ukraine ou plonger dans la Baltique. Le tout sous l'égide -devrais-je dire sous la bannière- de Kodály ou de Bartók.
Le premier est mis à l'honneur dans son adaptation de la "sonate pour violoncelle seul" ou de violoncelle il n'y a point, mais un échange plein de verve entre violon ténor et accordéon où tout est suggéré. Le thème est sorti des limbes des soufflets par un archet bondissant et des pizzicati vengeurs.
Le second est partout dans Musique pour le vent. Partout et nul part, de Mikrokosmos aux Danses Roumaines en passant par les Duos de violons, tout est suggéré et infuse le disque. Il retourne même à ses origines et se confrontant de nouveaux à d'autres traditionnels, comme le magnifique "A la Yougoslave 1", longue suite centrale pleine de douceur et de nostalgie, où le duo s'échange la rythmique à intervalle régulier, comme une balle bondissante qu'il convient de continuer à faire vivre, à faire danser mais surtout à faire voyager. Parfois, comme dans le très étrange "Rythme Bulgare", le duo introduit des brisures contemporaines, celle de leur comparse Antoine Berland, compositeur et membre des Vibrants Défricheurs.
Pour ces improvisateurs, faire de leurs visites du Répertoire une visite patrimoniale est un non-sens.
C'est ainsi que Palis va chercher les émotions dans les limites de son instrument. Sur le sur le "Danses et Fantaisies Roumaines" le violon se perd dans le brouillard de l'accordéon, au point de confondre les timbres. C'est dans ces limites, où l'improvisation prend le relais dans une bouffée onirique pleine de poésie que le duo trouve son vrai chemin.
Celui qui nous emmène dans un ailleurs fantasmé.
Musique pour le vent fait partie de ces albums qui portent bien leurs noms. Effectivement, la musique de ces deux là est légère et ouvragée comme un pissenlit. Elle se nourrit du vent et l'embellit objectivement. Elle se disloque pour mieux essaimer. Elle est à la fois nomade et enracinée. Elle est enfantine et douce.
Ce serait décidément idiot de ne pas partager ce secret chuchotté...
Et une photo qui n'a strictement rien à voir...