Sébastien Coste - Earthly Bird
Avec Earthly Bird, Sébastien Coste pourrait revendiquer une propension pour l'oxymore. Le saxophoniste, très investit dans le spectacle de rue, n'a pas cependant réuni ce quartet où l'on retrouve le chanteur Beñat Achiary pour revendiquer le paradoxe.
En compagnie du turbulent batteur Edward Perraud, qui sait tout aussi bien faire parler la puissance que l'absolue légèreté du frémissement, et de la virulence sèche et spontanée du guitariste Julien Desprez, l'oiseau a les deux ergots solidement plantés dans le sol tout en rêvant des grands espaces.
D'ailleurs, c'est à ces rejetons de la famille aviaire qui ont choisi la poussière du sol que le disque s'identifie ; chaque morceau est relié avec une volaille plus connu pour la basse-cour ou pour son art de l'enfouissement que pour ses envolées, fussent-elles lyriques.
C'est ainsi qu'à la poule de « Poule 1 », hymne rythmée par les gifles acides de la guitare, morceau qui reviendra en toute fin d'album sous forme de fanfare cabossée, se confronte la vélocité gracieuse de l'autruche de « Django », où la voix soudainement flûtée de Achiary dodeline sur un brouillard de cordes et de métal aux reflets cristallins.
Incroyable Achiary ! Sur le central « Dodo », composition de Coste, il s'élance dans un dialogue avec Perraud qui s'apparente à une danse rituelle d'origine diverse, à peine tempéré par le chaos de la guitare. De la voix pleine et profonde jusqu'au cri, il transporte ses comparses dans différentes atmosphère, suivi de près par le soprano de Coste qui aime se mêler à la voix et reprendre les rennes dans l'intense « Saint Dog ».
Ce solo fait souhaiter que le saxophoniste explore aussi cette voie à l'avenir. Quoiqu'il arrive, même lorsqu'il est noyé dans les méandre de la relation orageuse de la guitare et de la batterie, le saxophone forme avec la voix l'axe infrangible de cet album.
On pourrait songer que l'oiseau à peine capable de voleter jusqu'à la mangeoire manque de grandeur.
C'est oublier qu'il est le symbole d'une certaine forme de panache, à l'instar du casque guerrier a tête de coq qui illustre la pochette. Voilà ce qui anime « Dead And Lovely », véritable coup de poing inaugural de l'album.
La ballade goguenarde de Tom Waits devient une visite rageuse des recoins sombres d'un rock insolemment libre, en compagnie de l'électricité rogue de Desprez dont les élans sauvages rappelle son solo Acapulco.
Julien Desprez est entrain de devenir une boussole à bons albums. Il en est de tous, ou presque, toujours à amener sa personnalité au bon moment, à jouer sa musique sans se l'approprier totalement, à magnifier le propose de ses partenaires...
Il y a dans chacun des morceaux très courts du quartet comme une recherche d'un blues primitif qui se mêle à une goût commun pour le son brut et l'improvisation.
Comme les volatiles consignés au sol, Earthly Bird picore entre les racines à la recherche de nutriments. Ici, sous les becs, on trouve souvent des dents ; cela rend certes les morsures acérées, mais le chant n'en est que plus envoûtant.