The United Slaves - #2~3
Ce n'est pas le genre de disque pour lequel on a envie de faire des fioritures. Il faut que ce soit sec, court, violent. Il faut que ça cogne direct, que ce soit un peu crade, et qu'il en reste des traces persistantes comme une vieille céphalée.
United Slaves, enregistré sur le label Improvising Beings est de ces disques qui vous tombe dessus et vous laisse interdit, dans un déluge qui paraît d'une violence inouïe mais est en réalité bien plus retors. C'est un long disque, un double album, mais tout le tourbillon tient en quelques mots.
Ce n'est d'ailleurs pas anodin sur la pochette est à la fois neutre et inquiètante. Un blanc cru encré de noir, et lorsqu'on le détaille, une femme nue et un visage encravaté défiguré, qui fait penser aux vieux disques de Naked City et leur sillage de subliminaux malsains ponctués d'orages électriques.
Pas de titres : "No Tracklist, we tired of being tracked anymore".
A peine sait-on que #2~3 fait suite à #1.
Enfin, sans doute.
Une guitare alcaline. Des claviers fébriles et une batterie convulsive ; tout ensemble, comme une vague qui submerge. Et qu'importe ce qui l'en restera. Si les digues tiennent sur leur passage.
Le long morceau de presque une heure qui tient sur le premier disque ne tarde pas à vendre la mèche, dans la vibration étirée du sitar de Michel Kristof : la vague est pleine de sédiments, ceux-ci s'accrochent, dessinent des reliefs d'une rare délicatesse dans le chaos. On ne sait pas toujours d'où viennent les sons, dans le tourbillon : sont-ce les drones vintage des claviers, dont ceux de Julien Palomo, le patron du label qui vient jouer sur ce disque -gourmandise vénielle- ou les peaux martelées de la batterie bousculée de Vinnie Paternostro ?
Nul ne le sait. Ca tourne comme l'orage.
Attendez. Vinnie Paternostro ? Il n'est pas plutôt saxophoniste ? Il ne hurle pas d'habitude dans un ténor dans les coins les plus sombres de New-York ? Et bien là il cogne. Sévère, en plus. Prêt à mettre en conduction le métal des cymbales avec la gerbe d'électricité de la guitare électrique.
Le résultat en est tout aussi détonnant. Proche du métal, et parfois complètement dedans. Mais en plus ample, avec des instants qui font songer à un rock progressif qui se serait trompé de pharmacopée et aurait pris du speed. C'est le second album qui y fait plus songer. D'un premier abord, les choses semblent se calmer, on perçoit plus finement la contrebasse de Gene Janas, mais les choses sont plus insidieuses.
Ce disque, il s'inscrit dans ce qu'on peut entendre par ailleurs sur un label comme BeCoq. On ne s'étonnera pas de cette proximité. Quant au déluge, on s'y plaît, même si l'on en ressort absolument essorés.
Et une photo qui n'a strictement rien à voir...