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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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17 novembre 2015

Fred Marty & Ugo Boscain - Estasi

Plonger dans les basses.
Chercher un monde souterrain comme d'autres vont en quêtes de continents perdus, mythiques, sans autre fondement qu'imaginaires... La chose n'est pas nouvelle chez les improvisateurs. On se souvient du Retour du Coelacanthe, qui sondait les fonds marins, en bathyscaphe de poche. Le duo est ici le même attelage, clarinette et contrebasse.
Enfin presque, nous le verrons.
On a également en tête les traversées des cavités en solitaire d'un contrebassiste comme Benjamin Duboc, ou bien sur de Joëlle Léandre dans une version plus rocailleuse, géologique pour le moins. C'est aussi le cas avec Fred Marty, toujours à la contrebasse, comme on a pu le voir avec des Ondes Primitives ou plus récemment dans son duo avec Jean-Marc Foussat, Marsafouty. Sa quête est plus spectrale ; son usage de bâtons ou d'objets suffisant à assécher les cordes le rend plus sensible aux stridences, aux claquements, au fracas. On aime ce musicien pour celà.
C'est ce qui rend sa rencontre avec le clarinettiste italien Ugo Boscain des plus passionnante ; les deux hommes se connaissent, c'est la même bande qui a régénéré une certaine scène Free, avec Itaru Oki ou Claude Parle.
Estasi est court, mais c'est une estocade. Le choc express qui ne fait pas s'affronter les deux musiciens, mais les fait au contraire s'allier contre les sons qui enflent et ronflent, contre les crissements soudains dont on ne sait pas s'ils proviennent des tampons des tuyaux ou des paumes grinçantes du contrebassiste sur le bois vernis de sa contrebasse. Il ne faut pas croire pour autant qu'il n'y a pas de tension entre eux. Elle est omniprésente, mais créatrice, libératrice.
Elle étaye plus un propos collectif qu'une confrontation. Chaque parcelle d'instrument est musicale, tendue vers un même point, celui de l'échange collectif.
Ainsi, dans « Materia Oscura », le silence est zébré de ronflements qui pourraient être de toutes origine... Délicieux mélange de sons manipulés pour nous emporter dans des dimensions où rien n'est stable mais tout est gigantesque. Il faut dire qu'Ugo Boscain a choisi la clarinette contrebasse pour se mesurer aux cordes de Marty. Et ça fait toute la différence. En tout cas tout le sel de cet échange.
On pense que cet instrument n'est pas souple, mais il faut entendre ce que Boscain en fait ; il l'emmène jusqu'à l'aigu ou le souffle est profond, il grogne comme une machine à vapeur lorsque Marty joue sur la tension des cordes et emplit le silence de son archet sur « La nascita del grido » en fin d'album...
Boscain ne m'étais pas très connu avant de le trouver dans ce disque, il a pourtant un CV ahurissant. Professeur à Polytechnique, il a joué avec Giovanni Maier de l'Instabile Orchestra et Steve Lacy, et on le retrouve également dans l'orchestre géant d'Anthony Braxton, le Sonic Genome... C'est un musicien attentif, généreux, qui utilise son instrument pour permettre à Marty d'avoir de la matière à sculpter... On est pris tout de suite par l'intensité de leur conversation.
Le duo de contrebasses à cordes et à anche est intense, on en sort essoré mais ravi. Enregistré dans l'église de Gauriac en Gironde, elle bénéficie en plus de la sonorité du lieu, joue là aussi avec les espaces et les pierres, trouve une concorde dans les hauts-plafonds.
Un échappatoire idéal dans ces temps lourds, où nous avons tant besoin d'évasion.

Et une photo qui n'a strictement rien à voir...

192-Destiny

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