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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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24 janvier 2016

Surnatural Orchestra - Ronde

Il y a une sorte d'histoire passionnelle entre le Surnatural Orchestra et ceux qui sont tombés au moins une fois dans leur chaudron.
Ardent, le chaudron.
Plein de braise et de bouillonnement, plein d'épices et de vitamines, et ce qu'il faut de fermentation pour faire tourner les têtes. Mais surtout une maîtrise absolument ahurissante du temps : celui qui passe, celui qu'il fait (parfois, il pluir), mais surtout celui qui arrive...
Toujours au bon moment.
C'est pas du groove ou de la métrique, bien que de tout cela, les dix-huit musiciens de l'orchestre autogéré n'en manque absolument pas ; c'est du flair. Pas celui des affaires ou des bons coups, mais le sens politique : la bonne chose au bon moment. C'était ainsi pour le travail absolument profond et remarquable mené à la fois sur le cinéma de Dario Argento et l'oeuvre de Pasolini dans Profondo Rosso qui contextualisait les années de plomb.
Politique ? Bien sur. 
Le lien ne semblera peut être pas évident sans qu'on l'explique, mais arriver à traduire avec autant d'acuité l'air du temps, pour un orchestre qui revendique qui plus est l'absence de leadership et fait prôner le collectif sur l'individualité a quelque chose d'éminement politique. Comme l'est d'ailleurs le rejet absolu des étiquettes et des cases musicales. On l'a constaté récemment avec Tout va monter ou Zone Libre. On le constatera dans quelques semaines avec Sarah Murcia.
C'est également le cas avec Ronde, le nouvel album du Surnatural Orchestra, où l'on découvre le grand Ferry Heijne, l'âme de De Kift à la manoeuvre à la guitare et à la voix.
De Kift avec le Surnatural.
On reste pétrifié quelques instants, et puis c'est l'évidence. Un morceau comme "Reload" en est le symbole. Voici une véritable petite mousseline languide qui s'insinue entre chacune des touches des claviers de Boris Boublil avant que la voix si particulière de Ferry viennent teinter l'ensemble d'un spleen brumeux. C'est le Surnat, en tout point, celui tout doux et doucement féérique des premiers albums. Mais c'est aussi l'univers du néerlandais ; une zone de conjonction qui n'a rien du pas-de-côté, puisqu'au fond, les atomes sont naturellement crochus, tournés vers une poésie naïve et pleine d'image.
Ca fonctionne immédiatement, à peine on s'absorbe dans les premières pulsations de "Zmerisch" et cette entrée progressive dans la forêt contrapunctique de l'orchestre, pleine d'essence rares et cuivrées et d'arrangements fructueux ; la nouveauté vient des trompettes : il y a toujours Antoine Berjeaut bien sur, mais le nombre a augmenté, avec comme nouveau venu le slovène Izidor Leitinger.
C'est riche, fin, fluide. Ca part dans tout les sens, mais le chemin est cependant tracé avec rigueur. On est en terrain conquis, et en même temps, on découvre à chaque instant de nouvelles clairières et de nouvelles souches, de celles sans doute qui ont bâti ce bel objet comme un rondin de bois.
Et puis il y a "FFFF", sorte d'explosion sautillante qui fait parfois penser à une musique de western qui partirait gambader dans la pampa plutôt que d'illustrer un duel. Le propos est brillant, explosif, gavé d'électricité... Le genre de morceaux qu'on se plaît à écouter en boucle, parce qu'il a quelque chose de jubilatoire.
Pour ceux qui avaient eu la chance d'entendre les Lost Tapes sorties chez les amies de NoMadMusic, on retrouve une tendance, moins foutraque que ce ne fut, à un univers plus cinématique, en tout cas vecteur d'image que Profondo Rosso aura sans doute initié.  On le constate dans l'excellent "Magicien" ou le baryton de Fabrice Theuillon fait des miracles, mais où c'est le collectif qui est à l'origine du mouvement.
De la danse.
Avec Ronde, le Surnatural investit le registre des fantasmes de bal populaire qu'il n'avait jamais vraiment quitté. On retrouve dans le formidable "Gallia" ce goût pour les tourneries qui fait le son Surnat, Heijne les teinte simplement de quelques couleurs bataves, et d'une légère pointe d'acidité punk qui va si bien au teint libertaire de l'orchestre. C'est fugace, mais on songe un instant à Willem Breuker.
Ronde, c'est une danse. Mais en néerlandais, ronde, c'est un tour. Une chose est sure, une grande boucle est bouclée.
Et nous autres auditeurs, on est rassasiés.

Et une photo qui n'a strictement rien à voir...

02-Boule-croix


 

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