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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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12 septembre 2017

Pedra Contida - Amethyst

Si tant est que l'on parle un peu portugais, ce que la fonction "traduction succincte" de google et quelques bases de langue latine et de logique permet sans grande peine, on comprend vite que Amethyst, le disque du quintet Pedra Contida est un disque de rocaille, minéral, qui va bien cacher dans ses éclats et ses faces tranchantes quelques reluisants et précieux trésors. Bien au fond, bien au coeur, dans une radiation générale des flux improvisés. 
On connaît la plupart des protagonistes. Le guitariste Marcelo Dos Reis est devenu en quelques temps un insatiable incontournable, que l'on voit tout autant avec les frères Ceccaldi qu'avec Onno Govaert. On le retrouve ici à la seule guitare électrique, lui qui nous avait récemment habitué à l'approche charnelle des cordes sèches du nylon ; on le retrouvera d'ailleurs bientôt dans un très beau duo avec Eve Risser (on en reparle !).
Pour l'accompagner dans cet écrin de cordes, on retrouve la harpiste Angelica V. Salvi sur un modèle habituellement dédié aux traditions celtiques. Présence de granit ? On est plutôt, dans les relations improvisées entre les musiciens dans une géologie plus volcanique, du schiste et du quartz, de l'Améthyste et de l''obsidian".
C'est d'ailleurs dans la noirceur de cette dernière pierre que l'alliance de cordes est la plus calorifère, tous les atomes se frottants les uns aux autres sur la frange la plus perçantes, tout près des bases et des chevalets, instillant un véritable mouvement lancinant, insatiable et perturbateur.
La confrontation Dos Reis/Salvi n'est pas nouvelle ; nous avions eu la surprise de découvrir le très beau Concentric Rinds l'année passée, sur le label Cipsela. Même si le quintet est plus explosif que le duo, on retrouve dans "Scree" notamment cette relation particulière, entre mimétisme, consonnance et accélération de particule qui correspondent bien aux chutes de pierre : le moindre mouvement infime peut amener au chaos, dans une réaction en chaîne qui ne mesure pas les conséquences.
Si la harpe et la guitare sont le noyau, le coeur lumineux de l'améthyste, elles sont entourées d'agents provocateurs, de basiques et de d'acides chargés de les éroder, de le faire virer, de les faire changer de nature. Dans le rôle du premier, on retrouve l'invisible, l'intangible indispensable ; l'électronique de Miguel Carvalhais qui s'insinue, goutte, drape, émulsionne, du cliquetis à l'écho, voire au drone subliminal ("Touchstone"). C'est lui qui donne à Pedra Contida son aspect très abstrait, pas totalement explosif mais pourtant franchement contondant.
L'acide, c'est le saxophone alto de Nuno Torres. Pourrait-il en être autrement, puisque le timbre de l'alto vaut déjà son pesant de sulfure ? Mais Torres, qui a déjà joué avec David Stackenäs, est plus acide qu'acide. Lorsqu'il intervient, sur de longues lignes tranchantes, il entame la densité tranquille que Dos Reis et Salvi construisent avec une gravité extrême, patiente et justement aussi immuable que la pierre, bien aidés en cela par la batterie discrète mais irréfragable de Joao Pais Filippe qui accompagne les lentes circonvolutions des cordes, dans leur coeur même ("Agate").
Parfois, on songe aux épopées cosmiques d'Hugo Carvalhais, dans cette radicalité sans rodomontades ici ramenées aux particules terrestres faussement inertes. C'est un bel album que propose le label anglais FMR, qui nous avait habitué à des disques plus heurtés. Mais il y a dans cet apparent polissage quelque chose de très précieux.
L'améthyste guérit des excès, paraît-il. Cet album en est une parfaite prescription !

Et une photo qui n'a strictement rien à voir...

43-Mirabel

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