Christophe Monniot & Didier Ithursarry - Hymne à l'amour
A bien des aspects, cet hymne à l'amour chante les louanges de l'inattendu en contrepoint du familier.
Inattendu, car il n'était pas évident de retrouver Christophe Monniot sur un disque de l'ONJazz Records, surtout en tant qu'hôte. Arrivé tardivement dans l'orchestre formidable d'Olivier Benoit, qui restera l'un des grands moments de l'ONJ, il s'est révélé indispensable et créatif.
On le savait déjà, mais pas toujours dans ce contexte.
Depuis quelques années, et notamment depuis la renaissance que l'on peut situer au trio Ozone, Christophe Monniot est l'un des saxophonistes les plus intéressants et les plus mûr de l'Hexagone. On se souvient de son remarquable Kimono enfilé avec Roberto Negro et ses amis du Tricollectif. Plus récemment, il s'est montré très friand de la relecture de standards. Et d'une certaine manière, c'est ce qu'il propose en duo avec l'accordéoniste Didier Ithursarry. Il suffira d'écouter la magnifique relecture de "Sophisticated Lady" où chaque souffle où jeu de clé est un frisson, une caresse, une recherche de la limite du sensible où les tampons et les soufflets ne font parfois qu'un, se masquent et s'enlacent pour mieux mimer le-pas-de-deux.
Hymne à l'amour, nous dit le titre. C'est tout un programme complice.
Là aussi, on est dans l'inattendu et le familier. Inattendu parce que le basque et le normand n'ont jamais joué en duo, et que l'alliance accordéon et soprano n'est pas si courante. Mais familier parce que les deux improvisateurs de la même génération sont souvent dans les mêmes orchestres, que ce soit MIR ou bien d'autres.
Familier aussi par la musique jouée. Le musette est d'évidence pour ces deux là, d'autant plus si l'on parle d'amour. Du tropisme de l'accordéon qu'Ithursarry porte en lui comme un supplément d'âme et qu'il exprime de Kantuz à l'Orphicube jusqu'aux racines de Monniot dans les Musiques à Ouïr, il semblait presque naturel de guincher sur le "Passion" de Tony Murena que Monniot se plaît à rendre languide et doucement déstructuré. Il joue avec le temps, laisse l'accordéon se charger de placer ses basses, mais garde une structure agile et doucement nostalgique. "Fragile et Exquis" écrit Nicolas Dourlhès dans Citizen Jazz. Comment pourrait-on mieux le définir ?
Il ne faut pourtant pas voir cet hymne à l'amour comme un simple disque de reprise. C'est une entreprise de réflexion et de souvenirs sur ce qu'est une chanson d'amour, avec ce qu'il faut de réminiscence et de citations avortées pour faire soi-même sa propre tambouille et écrire son propre hymne, sa propre musique intérieure. Et ceci, dès le départ : après tout, c'est "Biguine pour Sushi", qui n'a rien d'un classique des parquets qui donne le ton, avec un air mutin et joliment gouailleur.
Hymne à l'amour, c'est la revanche des discrets, des musiciens qu'on aime tant et qui ont la culture du secret. Ce disque, on l'écoute avec le sourire. C'est idéal.
Et une photo qui n'a strictement rien à voir...