Bronxtet - Eli's velvet eyes
Le pianiste François de Larrard est de ces artistes dont le nom rime avec son qualificatif le plus juste. Larrard est rare, c'est un fait, et c'est bien pourquoi nous sommes heureux de le retrouver au sein de son quartet Bronxtet, dans un exercice moins introspectif que son magnifique solo Zoo, sorti sur Yolk, il y a plus de 8 ans. Avec lui, trois autres musiciens peu connus, mais qui s'approprient avec simplicité et enthousiasmes les compositions du pianiste, au jeu toujours délié.
François de Larrard est un excellent mélodiste ; comme avec Zoo, ses morceaux racontent des histoires, avec parfois une pointe d'ironie qui rayonne autour du ténor de Julien Couvrechef, souvent le musicien qui vient donner la pointe d'énergie suffisante pour que la machine se mette en route.
Ainsi "Tony Truand", tout en swing rutilant est une sorte de crayonné de nuit agité dans un film noir, avec la contrebasse bravache de Jean-Paul Gouttenoire qui vient tenter de battre à la course la main gauche intenable du pianiste. Il en sera de même plus loin avec "Coupez portables" et les ostinato comme les ruptures rythmiques intempestives qui viennent chatouiller la créativité des musiciens sans chercher à tomber dans l'exercice de style.
Rien de révolutionnaire là-dedans, Bronxtet aime les atmosphères urbaines, éclairées de néons et souvent trépidantes, à l'image de "Neuvaine" où le piano sous la main droite de Larrard accélère une course que la batterie de Laurent Pancot accompagne comme à bout de souffle.
Cela tranche avec la douceur pleine d'amour de "Eli's Velvet Eyes", du nom de l'album qui montre un beau portrait d'une bambine au regard intense. Il y a de l'amour dans cette musique caressante qui ne fait jamais l'erreur de tomber dans une joliesse excessive. Comme une peinture dont Larrard est féru, il y a diverses couches qui s'harmonisent voire tranchent entre elles pour donner un maximum de contraste et de relief.
C'est toujours harmonieux et lumineux, à l'instar de "For Bronxtet Only", qui décline en quatre parties inégales où la vision de l'orchestre est défendu comme on présente une argumentation en concours d'éloquence, en privilégiant une thèse mais en n'écartant jamais totalement les autres. Ce qui n'étonnera pas lorsqu'on sait qu'il est par ailleurs chercheur dans le domaine scientifique !
Rien de révolutionnaire, donc, mais un grand plaisir partagé pour une ballade légère et bien balisée qui brille par sa grande fraîcheur. Celle des regards d'enfant.
Et une photo qui n'a strictement rien à voir...