La Litanie des Cimes - Woodlands
Qu'en est il du blues des cieux ? Demandais-je lors de la dernière sortie de la Litanie des Cimes, le poétique et riche projet du violoniste Clément Janinet en 2021. Le premier album, paru chez Gigantonium, répondait assez clairement à la question : langueur, légèreté et amertume, comme une semi-nuit blanche inquiète et à la fois sereine.
Un éveil au clair de lune.
Le second album de la Litanie des Cimes, glorieux trio où la clarinette d'Elodie Pasquier complète le violoncelle de Bruno Ducret va même peut-être encore plus loin dans cette atmosphère particulière et pleine de l'épaisseur des rêves. Enregistré sur le prestigieux label Budapest Music Center, il bénéficie également d'un écrin idéal pour cette belle musique chambriste.
"Let's Turn !" qui ouvre cet album court, qui regarde au dessus de la canopée, est une sorte de miniature de la volonté de Janinet avec son orchestre : une clarinette balladeuse, qui charrie parfois de lourds torrents dans un motif répétitif, propice à une forme de transe légère.
Une ivresse.
Cette obsession du minimalisme et de la répétition, pour le maître de OURS peut prendre de nombreuses formes. Ici, il s'agit d'une forme de danse invisible. Plus loin, avec "With The Neck", ce sont davantage des motifs pêchés dans les imaginaires traditionnels, et notamment dans la musique Gnawa qui compte beaucoup pour le violoniste ; mais rien n'est totalement figé ou arrêté : la clarinette aime à briser les chaînes et sortir des boucles pour mieux en créer de nouvelles.
Il ne s'agit pas de folklore imaginaire
Mais malgré tout, on revient toujours à ce travail de longue haleine de Janinet : la Litanie des Cimes enregistre "Ornette Under The Repetitive Skies" avec une force nouvelle, et un travail incroyable de Ducret et Janinet, plus que jamais marchand d'un même pas.
Souvent, la musique de Woodlands est une mousseline : le dialogue entre Ducret et Janinet sur "Quiet Waltz", ou plus loin sur le très beau "Shadows" colore d'une manière très particulière ce blues lunaire et chambriste.
Quant au fameux et liminaire Blues des Cieux, il trouve dans cet album son morceau de bravoure. Si la boussole est souvent cassée pour éviter de se situer aux cimes des montagnes, Woodlands nous offre avec "Triplett Tragedy" un véritable morceau d'Appalaches. Sur le chant de Ducret, absolument bluffant, la Litanie des Cimes propose une musique rocailleuse plongée pleinement dans des racines arrosées de bourbon.
Une magie
Woodlands est un disque pénétrant, secret et poétique. Une réussite.
Et une photo qui n'a strictement rien à voir...