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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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20 novembre 2024

WOO - Hoo-Lala + TOC - Psychedelic Jelly

Batteur fin et très inventif, voici des années que nous suivons le lillois Peter Orins dans ses aventures en grand orchestre ou même en solo. L’un des ensembles qui a pignon sur rue dans sa discographie est bien entendu TOC, dont nous fêtions il y a quelques mois l’anniversaire, et dont nous reparlerons en fin d’article. Peter Orins fait partie du collectif Muzzix, dont l’imposante discographie est publié par Circum, un label auquel je suis fidèle, ici autant que sur Citizen Jazz.
Depuis quelques années, Circum et Muzzix jettent un œil expert sur la scène polonaise, qui a toujours été un vivier palpitant du jazz et des musiques improvisées européennes. On a ainsi entendu le batteur avec la saxophoniste Paulina Owczarek en duo, pour une improvisation aux confins du sensible, de l’infiniment petit.
Autant dire qu’avec le présent trio Woo et son titre prémonitoire Ooh-La, l’ambiance entre Orins et Owczarek qui se retrouvent ne sera pas pareille. La raison en vient peut être de la pianiste Christine Wodrascka qui vient apporter son jeu puissant, tonitruant parfois même au tiers du morceau « Why Not ? » qui constitue la large majorité de ce premier album.
Car pour Owczarek comme pour Orins, on retrouve des gestes familiers : un usage des percussions très coloré, cherchant à sculpter la masse du silence avant de rechercher la pulsation, et des jeu de souffle en bruit blanc et des slaps de saxophone du côté de la polonaise. Mais voilà : Wodrascka est un volcan et un ouragan à la fois, sa frappe irréfragable emporte les autres sons dans un gigantesque -et excitant- maelstrom que seul la batterie d’Orins parvient à maîtriser.
On connaît Christine Wodrascka pour son travail avec Sophie Agnel, Daunik Lazro ou Ramon Lopez. Elle était il y a quelques années dans l’étourdissant Sangliers avec Peter Orins et Dave Rempis, et l’on retrouve ici ce goût pour l’énergie et la tension permanente. Le dialogue entre piano et batterie, souvent fait d’échanges et de jeux de masques est la clé d’un album puissamment organisé, même si la complicité d’Orins et Owczarek est le fruit d’un vrai travail au long cours.


C’est ainsi qu’on retrouve Paulina Owczarek avec Peter Orins dans TOC, presque comme une évidence. Avec Psychedelic Jelly, l’orchestre qui, si je sais compter, fête ses dix-sept ans a trouvé avec la saxophoniste l’occasion d’aller visiter d’autres contrées sans rien perdre de ce qui fait son charme : des rythmes et des ambiances parfaitement déstructurés au coeur d’un électricité qui ne demande qu’à sourdre.
C’est intéressant d’utiliser le terme psychédélique pour cette musique qui se nourrit en background depuis des années d’un prog-rock suffisamment bien compris qu’il n’est ni sanctifié ni joué, juste utilisé comme baignade des rhizomes, pour faire de nouvelles boutures. Sur le premier morceau, « Flapjack Octopus », le saxophone violemment acide se sert de ce climat pour jouer avec le clavier de Jérémie Ternoy et la guitare prête à bondir d’Ivann Cruz.
C’est extrêmement malin et tout à fait jouissif.
Il y a eu du chemin depuis You Can Dance (if you want it), et l’intelligence du trio est de renouveler une recette qui use pourtant des même ingrédients. Le jeu de Peter Orins est ici nerveux et insatiable, et c’est lui qui entraîne une mécanique où les boucles succèdent aux lignes de fuite dans un propos qui monte continuellement en énergie, jusqu’à un point de rupture qui sait être aussi un point de fusion. C'est une configuration qu'on avait pu rencontrer avec Dave Rempis, mais le jeu du saxophoniste s'approchait concrètement de celui du boutefeu.
Le travail d’Owczarek est ici remarquable : il consiste à être présente de manière presque linéaire quelque soit l’état de TOC, jusqu’à sa plein puissance électrique, comme une ligne de tangente qui donne beaucoup d’espace et offre une impression de flottaison tout à fait troublante. Deux disques qui scellent une vraie cohésion de Lille à Varsovie entre la saxophoniste et le batteur.

Et une photo qui n'a strictement rien à voir...

 

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