Déconnexion
Je n'achète pas Rock and Folk. En fait c'est faux, puisque j'ai acheté Rock and Folk deux fois dans ma vie. Une fois parce qu'il y avait une vidéo dans un blister que je voulais voir (je crois que c'était des extraits de Hendrix à Woodstock) et une fois cet après midi, pensant y trouver un article d'Eudeline chargeant Internet et les vilains internautes et défendant le sacro-saint droit d'auteur. Déveine, le pamphlet fut écrit en février et je l'ai donc acheté pour rien, sauf à me rendre compte que la moyenne d'âge des artistes évoqués tendait salement vers la retraite et que c'est le seul journal, avec peut être le "Jazz Hot" de l'époque Delaunay où la rubrique "nécrologie" arrivait avant la page 25... J'ai longtemps parcouru en revanche ce recueil nostalgique à la bibliothèque municipale à l'adolescence. Etait-ce déjà du vol ?
En tous cas, à part quelques crises de rire, ou d'énervement, je ne me rappelle pas de conseil pertinent pour la musique à laquelle je m'éveillais...
Jusqu'à cet après-midi, j'avais de la sympathie pour Eudeline, pour son passé Punk et pour une certaine classe qui m'est absolument étrangère dans sa manifestation, mais qui a le mérite d'une certaine constance jusque dans les plantades... Mais j'ai découvert sur Fluctuat un dialogue entre le journaliste Guy Birenbaum et Eudeline sur la question d'Internet -ou doit on plutôt dire un discours posé du premier contre des éructations mercantiles et absolument réactionnaires du second-. Il faut regarder cet échange, il est absolument effarant et révèle, au delà de la dérive des exégètes des majors, de la vision rétrograde de l'art vu par le prisme de la vente et des majors. C'est une sorte de résumé parfait de l'Industrie de la balle dans le pied.
Evidemment qu'Internet a des mauvais côtés, et notamment la pauvreté de certains contenus, la lancinante vacuité du buzz et j'en passe. Mais elle permet l'expression et la démocratisation de la parole, l'ouverture au monde... Et plutôt que de vitupérer ou de légiférer, il faudrait bien plutôt éduquer et prescrire.
Il est triste de se rendre de compte qu'un ancien punk méprise à ce point ("les clochards de MySpace") le Do It Yourself et ignore totalement les labels indépendants comme les musiques de marge, et ne pense à la musique qu'en termes de vente et de rentabilité. Et surtout affiche un mépris constant pour les Internautes et pour des conditions économiques qui ont réduit aussi -et c'est peut être ce pourquoi il faudrait laisser pousser les diatribes- le budget culturel des familles de façon plus que congrue.
Surtout, il est tout à fait incroyable de mettre le soit-disant marasme économique des majors sur le dos d'Internet sans une seconde remettre en cause la frilosité, la normalisation, l'absence de prise de risque et les choix d'investissement hasardeux de ces entreprises. Il est tout de même amusant d'entendre qu'Internet a tué la "nouveauté" lorsqu'on ressasse ad libitum les mêmes antiennes vieillissantes et bavardes et qu'à côté de cela les labels indépendants et les musiques plus exigeantes qu'un rock poisseux et poseur sur deux accords débordent de jeunesse et de créativité. Evidemment, on a envie de lui faire lire la lettre ouverte de Virginie Berger (dont on reparlera)... Et puis lorsque commencent les satisfecit à Sarkozy pour Hadopi, on se dit simplement qu'il est dommage de ne pas l'avoir vu signer avec Le Forestier ou avec d'autres personnes âgées... Une question de génération peut-être ?
L'axiome "tu ne vends pas, donc tu n'existes pas" ou plus crûment : "tu ne vends pas donc c'est de la merde", qui est celui des majors, d'Eudeline donc à écouter ses paroles et de MTV (ce qui est délicieux...) peut devenir un sophisme intéressant, surtout si l'on prend des exemples : Tokio Hotel ou Zone Libre ? André Rieu ou Berio ? Norah Jones ou Marc Ducret ? Lil'Wayne ou Rocé ? Benjamin Biolay ou Loïc Lantoine ?
Fermez le ban.
Ce fut un moment bien triste finalement. L'impression de voir s'effilocher un vieux monde, et se dire que malgré tout le talent qu'on peut avoir, il y a toujours un moment ou l'on ne comprend plus rien. Et l'on finit même par croire que des Baby-rockers du XVIème peuvent avoir l'âme d'une musique pauvre, mais qui avait sincèrement de la gueule avant que le fric ne la pourrisse.
Et une photo qui n'a strictement rien à voir...