Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
Derniers commentaires
Newsletter
32 abonnés
Archives
18 décembre 2011

Björk - Biophilia

Björk occupe, dans la galaxie musicale qui a conduit à écrire régulièrement des chroniques dans ce blog une place à part. Une place à la fois lointaine et évidente, à l'instar de Frank Zappa, de Wyatt, et d'autres... Une place au centre ; un point de passage. L'image évidente d'une porosité assumée.
J'étais dans les années 90 accroché à ce que faisait Björk comme une planche de fortune qui me faisait -enfin ?- m'immerger dans une musique en phase séculière avec "ce qui passe à la radio". Ils sont nombreux ceux que je connais qui sont passés à des musiques plus complexes ou à des genres plus en marge après avoir entendus les arrangements impeccables de Déodato ou de Vince Mendoza sur Post ou Homogenic, qui est un mon sens un album majeur.
Chaque album de Björk est évènement qui débute toujours de la même façon sur ma platine depuis le début du siècle avec Vespertine : buzz harassant autour d'un concept fumeux, excitation, déception et finalement adhésion totale. La musique de Björk est tellement tripale et personnelle qu'elle n'est jamais évidente. Elle se doit de séduire et de s'immiscer, de pénétrer l'intime. Ce n'est guère étonnant, alors, qu'elle provoque chez beaucoup de tels effets de rejet.
Biophilia, le dernier album de Björk, n'échappe pas à la règle. j'ai eu du mal au début, et je ne m'en passe plus. Toute l'agitation autour de ce concept de musique sur Ipad avec des animations censé représenter un rapport à la terre ou je ne sais  n'est qu'une manière de préparer un autre support pour l'industrie du disque. on pouura dire aisément que c'est un contrefeu. Après tout, Vespertine était l'album de la mobilité, fait au laptop et lancé sur téléphone portable. Ce n'est que du bruit ; passons plutôt à la musique.
Le dernier album de l'islandaise, Volta, était tellurique. Avec Biophilia, Björk revient à une certaine fragilité et à des fondamentaux fait d'électronique et d'inspiration infusée auprès des constructions savantes de l'avant-garde américaine comme Cage ou Berberian. on le remarquera notamment dans l'utilisation du choeur de 24 chanteuses islandaises.
Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si, comme pour Vespertine, on retrouve parmi les musiciens Zeena Parkins avec quatre harpistes. Au milieu du gamelan, les cordes et les cuivres imposants donnent un ton parfois asiatique à Biophilia ("Virus"). Ces musiciens rendent surtout inopérants tous les doctes dicours sur "la musique à l'Ipad".
Dans un morceau comme "Cosmogony" le choeur construit un arrière plan charnel sur lequel la voix de Björk s'épanche. On le remarquera également dans cette version de "Dark Matter" en fin d'album... Il faut parler de la voix de Björk. Malade, elle a failli arrêter de chanter il y a deux ans avant de reprendre le chant de zéro. Ceci ajouté à l'âge venant, sa tessiture est -beaucoup- plus grave, ce qui lui permet d'aller chercher des profondeurs impossibles auparavant ("moon" ou "Hollow" et son orgue mutant...) tout en gardant cette scansion caractéristique et un spectre imposant... Cela ajoute un sentiment d'étrangeté à un album qui renoue avec ses débuts électroniques ; la présence aux claviers de Leïla Arab le confirme. J'avoue -sans honte !- avoir souris béâtement à l'écoute du breakbeat nerveux de "Crystalline"... Ce morceau rappellera peut-être aux plus tarés pointus d'entre nous le morceau "My Spine" présent sur le single bleu de "It's Oh So Quiet"...
A plein d'égard, Biophilia est un album synthèse de 20 ans d'albums solo. A entendre "Nattura", le morceau final de l'album, en forme de cascade heurtée et de retour à Mère Nature, je prendrai bien le pari qu'il s'agit du dernier...

Et une photo qui n'a strictement rien à voir...

01--Texturou-Montelimarou1_

Commentaires
L
Les réponses, c’est comme le pain de mie. Tranché, c’est meilleur. Au moins maintenant je sais qu’Epinal et Mainstream ne vont pas ensemble. Finalement, c’est rassurant. Je conserve l’espoir que Christophe Maé* ne vienne jamais s’y produire. Déjà, il faudrait qu’il trouve où c’est. <br /> <br /> Pour en revenir aux chanteuses insulaires, je n’aurais jamais pensé classer Enrico Macias* dans cette catégorie. Mais pourtant, maintenant que tu le dis, je me rends compte à quel point un bras de mer, qu’il sépare d’une ile ou d’un pays génère un traumatisme que seul le chant (ou le chevrotement suivant l’artiste considéré) peut calmer. <br /> <br /> « Soit sage ô ma douleur, et tiens-toi plus tranquille » chantait Charles Baudelaire le soir lors des veillés autour du feu de son camp scout à La Motte-Beuvron. Qu’eut-il pu faire de plus pour calmer cette douleur qui le tenaillait lui qui vivait mal d’être exilé dans un coin aussi paumé pendant que ses parents partaient se la couler douce à la Barbade ?<br /> <br /> Bien sûr il a tenté de se passer le temps en s’adonnant à la chasse dans les forêts Solognotes. <br /> Assez rapidement les collets et la rapine ne lui ont plus suffit. D’autant plus que la concurrence de Raboliot devenait un vrai souci. Charles décida de passer à la vitesse supérieure et de s’attaquer au gros gibier : C’est lui qui eut tua le dernier bison d’Europe. Dans une futaie non loin de sa ville estivale. Une plaque commémorative fut d’ailleurs posée lors de la mort de l’illustre poète et l’endroit rebaptisé « Bison-Futaie ». Sur la plaque, une strophe de Baudelaire rend hommage au bovidé disparu : « Un vers ça, va. Trois vers, bonjour les dégâts ».<br /> <br /> Voilà, je sais qu’on dévie et qu’on s’éloigne du sujet original. Mais ce blog est un trésor où on peut passer d’un sujet à l’autre dans l’allégresse générale, tant qu’on reste dans la culture. <br /> <br /> * Je suis content d’avoir réussi à caser Christophe Maé et Enrico Macias sur ce blog. Ca manquait je trouve.
Répondre
L
Mon BDV, je te rassure tout de suite sur deux points. Un, on peut être paumé sans être sur une ile battue par les vents, les Vosges en sont une preuve vivante (bien que leur légitimité d'endroit paumé ait été mise à mal il y a 5 ans suite à une réunion mondiale). Deux, tu ne fais pas dans le Poujazzdisme. Il est bien normal de célébrer les beautés de nos régions, car malgré la mondialisation galopante, savoir d'où on vient est important pour aller à la rencontre de l'autre. <br /> <br /> Cela d'ailleurs a déjà été fait bien avant n'importe que JT de 13h, par un certain Enrico qui a conquis la France en célébrant la beauté des filles de son pays. Cela veut-il dire qu'Enrico n'aime pas les Françaises ? Je ne pense pas, il doit les aimer toutes comme son comparse Julio, et tout le monde - même les plus cosmopolites d'entre nous - ressent une pointe de nostalgie en repensant à nos premiers amours enfantins dans nos terres. Certains le chantent en petite ritournelle agréable, telle le chant des oiseaux dans l'arrière pays ensoleillé mythique, d'autres l'expriment avec des solos improvisés inaudibles, réminiscence de troublants épisodes amoureux adolescents dont on pourrait se demander s'ils ne sont pas en réalité de profonds traumatismes - le lecteur assidu comprendra que je fais allusion au virage musical de Braxton suite aux feux de Beltane dans le Bayou.<br /> <br /> Nous sommes par essence chauvins : nous aimons noles belles régions, et les années venant, les voyages passant, nous sommes plus à même de comprendre pourquoi nous les aimons, sans pour autant exclure l'Autre. <br /> <br /> Par contre, Epinal et mainstream, ça ne va définitivement pas ensemble.
Répondre
L
Oh c'est drôle, car moi aussi je suis allé voir une chanteuse de Jazz dans une cave au fin fond des Vosges. Les deux étaient voutées, mais là n’est pas le propos. Bien sûr, vu la taille du village, je peux aussi dire qu'on était loin des pubs mainstream d'Epinal. Toutefois, je me demande si 'mainstream' et 'Epinal' peuvent s'accoler. Si un professeur de grammaire ou un ethnologue passe par là, merci de me renseigner.<br /> <br /> La voix de cette chanteuse était tout ce qu'il y a de plus rugueux et sauvage. Magnifiquement désaccordée, passant du limpide au trouble. Ce n'était pas sans rappeler le court d'une rivière sauvage et impétueuse à peine troublée par les troncs d'arbres qu'elle charrie après le passage de Joachim. <br /> <br /> Parfois on entendait dans sa voix le mugissement qui suintait, comme une signature de son enracinement dans la région qui m'a vu naitre. Quand elle chantait, rien qu’en fermant les yeux, je pouvais imaginer les verts pâturages, la pluie froide et cette espèce d’imbécile de ‘belle des champs’ qui ne peut s’empêcher de baguenauder dés qu’une verte prairie s’offre à elle, fût-ce en rêve. <br /> <br /> Bien sûr, on pourra me taxer de locaudiovore ou de poujazzdiste mais tant pis, j’assume. Car elles sont belles les voix de nos contrées. Si belles, qu’il serait dommage qu’elles s’en éloigne pour aller renforcer le flot nauséabond des musiques insipides et qu’elles ne perdent leurs épices en se noyant dans la musique sans saveur qui tends à devenir la norme.<br /> <br /> Voilà, c’était mon petit couplet régional à moi aussi. C’est pas parce qu’on ne vit pas sur une ile battue par les vents qu’on n’est pas complètement paumé quand même !
Répondre
F
Tu manquais, toi, chère Sirène !
Répondre
L
Il faut croire que les terres battues par les éléments et les Vikings sont propices à donner naissance à des chanteuses de caractères. Une fois n’est pas coutume, je me suis laissée tentée il y a quelques jours par un concert de jazz manx dans un pub de Port Erin, loin des pubs pop/rock/mainstream de Douglas et leur niveaux sonores à rendre sourds même les chauves-souris. C’est alors que j’ai découvert une chanteuse éclectique, à la voie dérangeante et aux arpèges déstructurées, moins électronique que sa consœur islandaise, mais qui devrait te plaire cependant. Elle se nomme Fliaghey – une vraie manx – et sa voix rauque rappelle les hululements des vents déchainés sur les falaises de Cregneash et sur les flancs quasi lunaires de Snaefell sous la neige ; ses gammes discordantes et autres poussées stridentes les crissements de pneus des motos qui vombrissent chaque année lors du TT…. Bref, l’ile de Man faite musique, tout comme la musique de Björk. D’ailleurs, il y a beaucoup de similitude entre les deux musiciennes… En effet, Flaighey a elle aussi un nom évoquant l’âpre nature des lieux (flaighey veut dire pluie en manx), et elle se réclame de la lignée de Guðrøðr, roi norvégien-gaël de Man et des Hébrides au XI siècle, revendiquant fortement sa double identité celte et scandinave. Bref, une artiste à découvrir pour palier à la future absence de l’islandaise dans les bacs.<br /> <br /> La prochaine fois, je te parlerai de Skye, une Ecossaise originaire de l’ile éponyme injustement confondue avec une chanteuse de jazz ayant flirté avec le trip hopesque Morcheeba.
Répondre