A Vendre
Chaque intervention de notre cher Ministre en papier-bible laisse toujours l'observateur de la chose culturelle entre colère et consternation. Parfois, la balourdise de certaines décisions prises d'en haut sont d'un tel dogmatisme qu'elles en deviendraient attendrissante.
On pourrait se prendre à rire.
Pas longtemps hélas. S'il y a bien un reproche à ne pas faire à cette mandature en phase terminale, c'est sa constance en terme de marchandisation de la culture. De Hadopi aux intermittents en passant par la hausse de la TVA sur le livre, chaque mesure aura conduit à la déréliction et au rétrécissement de l'offre culturelle, voire à son travestissement.
La récente rencontre entre le ministre et le Medef sur la question du mécénat culturel à le mérite de la franchise. Dans ces temps troubles où la dette de la dette tous les soirs à la télévision tient la bride bien serrée et nous gave de rigueur budgétaire -pour les mêmes-, il ne faut pas être grand clerc pour deviner où vont se faire les économies. Elles se feront dans les poches des plus pauvres, d'abord, parce que c'est ainsi que TINA fait. Elles continueront dans les dépenses jugées superfétatoires. Le tout orchestré par ceux en capacité de spéculer sur l'art moderne. Par ceux capables de soutenir les badernes médiatiques. Par ceux qui applaudissent aux ventes de luxe... Les spéculateurs. Fini, l'accès à la culture, le soutien à la création et le mécénat des expressions de marge. Trop cher.
Car ce qui coûte ne rapporte rien. Le Darwinisme économique -et le sophisme de compétition- l'affirme. Ce qui ne rapporte pas doit mourir.
Si possible en silence.
Dans un pays où de sémillants bateleurs comme Stone et Charden sont affublés du plus grand honneur national, on peut effectivement s'accorder à dire que notre napoléon tout droit sorti d'un top à la une spécial Joe Dassin a tenu sa promesse ; tout devient possible... Stone et Charden, voilà de la qualité française digne et populaire. Voilà de l'art hexagonal. On se prend chercher le salami vainqueur du comice agricole... Avec eux ou d'autres, allons-y, balayons la culture, puisqu'après tout les nourritures terrestres ne sont pas autre chose que de la poussière sous le tapis. Les idées ? Juste bon pour la com'. Les tableaux ? faire un magnifique vestibule dégoulinant de fric pour impressionner le pécore. On appelle ça le soft power, parait-il. La musique ? Vendre des basket ou agiter des glandes sudoripares. La littérature ? Voyez avec Guillaume Musso...
Avec une vision comme ça, pas étonnant de se retrouver dans un pince-fesses avec des marchands de ferraille à deviser de la Culture. Car depuis le 6 décembre, on sait que c'est bien avec le syndicat des patrons que va se discuter la Culture de ce pays. On y trouve beaucoup de bla-bla avec la main-sur-le-coeur-la-culture-c'est-la-vie... Puis soudain, deux phrase qui disent tout du désert qui s'annonce :
"Établir un diagnostic partagé sur la situation de l'économie de la culture en France, avec pour objectif d'en éclairer les enjeux en termes de compétitivité et d'attractivité et Analyser en quoi la culture peut constituer un moteur de la croissance, créateur de valeur ajoutée et d'emplois"...
Pour ceux qui ont la chance de ne pas entraver la novlangue de nos "décideurs", une traduction rapide :
" On va trier, que vous le vouliez ou non, ce qui rapporte et ne dérange pas notre idéologie. Les crasseux qui font des trucs qu'on ne comprend même pas, on les oublie. Ce n'est même pas classe et ça rapporte des clopinettes. On veut vous imposer deux-trois têtes de gondoles qui vont permettre de spéculer à outrance dans des salles des ventes. Ce sera suffisamment flatte-couillon pour que vous vous pâmiez aux ordres. Au mieux, on pourra en faire des produits dérivés pour les gogos, du set de table au porte-clé. Au pire, ce sera dans les coffres. Il faudra que ce soit un peu populaire quand même, comme l'impressionnisme. Comme ça, on pourra embaucher plein d'intermittents à vil prix et faire des fêtes. Parce que c'est bien, ça, les fêtes."
On n'a pas fini de voir des larmes de crocodile de ceux qui se lamente du désintérêt des français pour la Culture ; dans les mains de ces gens là, elle n'attirera personne. Ou alors par désoeuvrement, comme on va au centre commercial...
Et une photo qui n'a strictement rien à voir...