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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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22 avril 2012

Petite Vengeance - Mon Amérique à toi

La naissance d'un label est toujours un évènement, qui fait reculer l'idée préconçue de la raréfaction de l'offre musicale vu du seul prisme de l'industrie. Quand il s'agit de plus de mes amis des Vibrants Défricheurs, c'est un double plaisir, car depuis le temps que le collectif rouennais dont je parle ici depuis les débuts faisait parler de lui, il convenait d'avoir l'occasion de les entendre partout.
C'est désormais chose faite.
Parmi les trois sorties à l'heure actuelle, nous avons déjà parler de Syntax Error et nous parlerons bientôt de Papanosh... Mais attardons nous quelques instant sur Petite Vengeance, duo foutraque de deux amis d'enfance, plein de rebondissements et d'influences entremêlées, de blagues potaches et d'énergie. Lorsque le saxophoniste Raphaël Quenehen et le batteur Jérémie Piazza ont étrenné ce duo en 2007, j'avais fait un petit billet pour en signaler l'existence ; de festivals en voyages scandinaves, de progrès fulgurants en rencontres durables la musique a évolué, jusqu'à devenir "Mon Amérique à toi", superbe objet dont le graphisme est assuré par Paatrice Marchand et Lison De Rider, membres du collectif et graphistes très inventifs.
Mon Amérique à toi est un voyage fantasmé dans une Amérique qui n'existe pas et n'a jamais existé, à part peut être dans les télés de notre enfance, bardé de voix off et de d'interludes amusants. Est-ce l'Amérique d'ailleurs ? Peu importe, c'est avant tout l'occasion de recycler et de transcender les influences, du "Thousand Miles Behind" de Dylan inaugural, transformé en hymne western un peu kitsh au fantastique travestissement du "Lonely Woman" d'Ornette Coleman en blue grass traînant dans le marigot en compagnie d'une cornemuse... Ce morceau, au coeur de l'album est certainement le symbole de la synergie des deux musiciens et c'est avec bonheur que l'on voit percer de cet étrange alliage une énergie folle. Comme la pochette, le disque de Petite Vengeance est un collage singulier et inventif qui trouve sa cohérence dans la multitude et l'apparent bricolage. Un bricolage qui s'avère très construit, pour peu qu'on s'y attarde.
Petite Vengeance puise à toutes les influences des deux musiciens, comme une synthèse. Ainsi, on trouve de l'improvisation pure roulant en vague su "O Gondolier" qui est un morceau cher aux deux musiciens. Ce gondolier est très proche de l'univers musical actuel de Quenehen et rappel le jeu tranchant qu'il développe avec Kumquat. De même, un morceau comme "Ambee Dagets" rappellera aux amateurs du label Carton ce rock fougueux et libre dans lequel Piazza nage avec bonheur...
C'est Jérémie Piazza qui est l'excellente surprise de cet album. Ceux qui l'ont déjà vu jouer ne s'étonneront pas de le voir jouer de la guitare tout en battant, et l'on est heureux de voir éclater la subtilité de son lourd drumming sur un enregistrement qui le fait briller. On appréciera surtout les moments ou il joue de cordes électriques sur sa batterie, ce qui ne manque pas d'acidifier le propos, comme sur le potache "FAJ".
C'est la fin de l'album qui révèle cependant ses plus beaux secrets. On notera d'abord la participation amicale de Laurent Dehors, qu'on est heureux de voir avec les jeunes rouennais sur "Colchique". Quant à "Forro Da Rouen", c'est de loin le meilleur morceau de l'album. Composé par Quenehen, il représente ce dont est capable le saxophoniste quand il est à son meilleur niveau.
Mon Amérique à toi est un disque attachant. Beau cadeau de bienvenue par un très beau label.

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