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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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21 février 2013

Fanny Lasfargues - Solo

La contrebassiste Fanny Lasfargues est de ces jeunes solistes qui ont investi toutes les musiques dans une démarche syncrétique tout a fait palpitante. Membre du collectif COAX, comme son comparse Julien Desprez, elle partage avec le guitariste l'affiche de Q, dont j'avais eu la chance de faire la chronique pour Citizen Jazz. Le trio investit une musique où silence et déchirures électriques coexistent dans une lutte perpétuelle qui fait la densité du son.
Au coeur de cette dualité, on trouve la contrebassiste qui hachure la masse du silence de traits lents et profonds. Cette multiplicité de procédé électro-acoustiques la situe à mi-chemin là encore entre la musique électronique la plus crue et le bruitisme le plus radical.
C'est seule que l'on retrouve aujourd'hui Fanny Lasfargues, pour un disque sobrement appelé solo. Elle y pousse jusqu'à leur retranchements les idées déjà développée dans Q ou dans Retroviseur. On entre dans ce disque comme dans une zone de turbulence. Un orage tonitruant. Irrespirable. Dans le premier mouvement de la longue suite "B7", qui occupe à elle seule les 4/5eme de l'album, les cordes de la contrebasse claquent sur le comme bois comme le marteau-pilon le faisait dans la forge ; avec méthode et discipline. Sans affect mais avec une puissance insondable.
La contrebasse ainsi talochée souffre et craque de manière tonitruante avec de transmuter, devenue gigantesque interface sonore, jusqu'à un silence à peine troublé par des sifflements brouillardeux. Il y a chez Lasfargues une attention méticuleuse pour déconstruire le son de sa basse et de sa contrebasse et la conduire à un chaos où tout est contrôlé, jusqu'aux échos suraigus et aux grésillements électroniques.
L'ambiance post-industrielle bouffée à l'acide fait décidément penser aux travaux de Squarepusher ou Aphex Twin. On le distingue dans le 4ème mouvement de "B7" avec cette nappe sinusoïdale frappée aléatoirement par des chocs électrique ou plus prosaïquement "DJ Moyais" où des ostinati superposés dessinnent peu à peu une électro frugale. Mais ce serait réducteur de limiter le propos à ces deux sorciers de l'électronique, tant le solo de Fanny Lasfargues s'inscrit dans une tendance de fond de la jeune garde de la musique improvisée. On aura notamment l'occasion de parler prochainement sur Citizen Jazz du solo de Matthieu Metzger.
Plus que tout, on songe à l'écoute de ce solo à la parenté avec un autre acte solitaire. Celui de son comparse de Rétroviseur Yann Joussein, lui aussi membre du collectif COAX, qui nous proposait l'année dernière Phoque Eventré.
On note de nombreuses similitudes dans cette atmosphère ténèbreuse où l'humour n'est jamais loin. Cela commence par une pochette à l'univers enfantin et décalé. Dessin d'enfant chez Joussein, Diorama de jouets chez Lasfargues. Comme si cette recherche constante des limites de l'instrument n'était que jeu d'enfant avec ses bulles de merveilleux  et ses peurs primales...
Solo est un jeu dont le "u" est option. Fanny Lasfargues y est une formidable bâtisseuse de scenario. Le disque nous emmène, à travers la cohorte de sons altérés jusqu'au seuil du supportable parfois, dans de grands espaces éthérés aux sous-sols pleins de richesses. On y retourne avec plaisir.

Et une photo qui n'a strictement rien à voir...

13-Buckingham

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