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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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3 mars 2014

Thomas de Pourquery Supersonic - Play Sun Ra

Au risque de paraphraser ce cher Philippe Meziat qui livre ses impressions sur le même disque pour Citizen Jazz et dont je partage l'analyse (ça y est je me suis tiré une balle dans le pied pour la suite de la chronique...), on ne peut pas dire que Sun Ra fasse parti de ce panthéon chimérique qui a conduit au noircissage frénétique de ce blog.
Pire, même, pourrait-on dire : Sun Ra, en s'y penchant, est synonyme de soirées entières à exercer sa mauvaise foi autour d'alcools forts et de partie de tarot interminables où les élogistes du pianiste d'outre-terre à chapeau lamé s'opposaient aux fans de Zappa avec des arguments déclinants à mesure de l'impregnation alcoolique.
Choisi ton camp, camarade.
Enfin, au moins, on se parlait, à la différence des gommeux qui ne juraient que par la pop périssable, ou pire, les fans de Magma en train de monter une secte et de s'entre-excommunier dans la pièce d'à côté.
Un truc comme ça.
Tout ça pour dire que Sun Ra est pour moi un souvenir lointain qui ne s'est jamais vraiment ravivé à mesure que le temps est passé ; plusieurs fois essayé, plusieurs fois arrêté. A la fois charmé par la débauche d'énergie, mais dissipé par une vague impression d'ennui devant le bricolage de ce qui devait être plus un happening de scène difficilement retranscriptible sur disque.
Il aura donc fallu que Thomas de Pourquery, qui avait déjà contribué l'année dernière à mettre du Queen dans ma discothèque avec la complicité d'Alban Darche, s'y colle pour que nous en parlions, et pour je l'écoute au delà de ce -pas terrible- disque sorti chez Hat-Hut qui constitue la seule entrée "Sun Ra" de ma discothèque.
A bien y réfléchir, Pourquery/Sun Ra, l'idée s'impose. Elle est immédiatement séduisante. L'ogre rigolard de Rigolus, le pilier gauche du Megaoctet ne pouvait que se mesurer à la démesure de Sun Ra, et peut être transformer l'essai, avec la complicité d'un Supersonic, sextet de fidèle.
Il suffira de se plonger dans "Shadow World", le premier morceau, où le saxophone baryton de Laurent Bardainne écorche d'un ostinato opiniâtre qui règle une multiplicité de voix, de souffles et de frappes et de chemins pour s'en convaincre. Car le secret de ce Supersonic, et certainement la meilleure façon de rendre hommage à l'univer foutraque de Sun Ra, c'est cette capacité à mélanger les strates, les phrases saignantes et convergentes dans une ambiance de déambulation folle, mené par un bout de Poni Hoax (Bardainne, qui était déjà de Rigolus, et Arnaud Roulin qui fait revivre le goût pour les synthés vintage de Sun Ra) et par une base rythmique énorme om s'entrechoquent Frédérick Galliay à la basse et Edward Perraud à la batterie, soit le duo de Drum & Bass BIG.
Enorme, c'est le mot.
Cet alliage qui sonne comme une survivance du regretté label Chief Inspector est énorme. Il colle parfaitement à la personnalité de Thomas de Pourquery. Enorme parce qu'en quelques morceaux, le saxophoniste alto -et chanteur remarquable- fait la synthèse de toute la musique qu'il aime : il y a Sun Ra bien sur, mais il y a Roland Kirk plus surement ("Eulipions") et puis le rock, la pop...
En abordant Sun Ra par son biais le plus pop, il le passe au peigne fin sans le lisser. Il garde la folie pure mais en la rend soudain plus efficace, plus cogneuse. C'est ainsi sur la "Watusi Egyptian March" le morceau le plus diaboliquement pêchu de l'album : le Supersonic délivre ce morceau droit devant, sans temps faible, avec le concours du trompettiste Fabrice Martinez qui est certainement le centre nerveux du Supersonic. Celui qui en tous cas dessine avec la plus grande finesse les eaux fortes qui soulignent cette roborative masse orchestrale.
Et puis soudain, au détour d'un morceau à se passer en boucle, on comprend.
On écoute ainsi "Enlightenment", et puis on découvre en plus des instruments, des voix. On les avaient certes déjà entendues sur le très doux "Love In Outer Space", robotisées ou doucement sucrées, mais faisait pas autant manifeste. On reconnait avec plaisir la voix de Jeanne Added venue faire un coucou amical.
Curieux -rapport au second paragraphe de cette chronique-, on va chercher l'original et l'on se dit que si Sun Ra avait été comme ce morceau du Supersonic, ça nous aurait économisé de la salive entre les verres de rhum et des engueulades approximatives avant de mettre le petit au bout.
On comprend alors que dans ce disque, Sun Ra n'est qu'un masque.  Un de ceux qui a fait plus pour sa musique que sa musique elle-même. Et derrière le masque, Thomas De Pourquery. Un saxophoniste qui livre en prime avec "Disco 2100" un morceau tranchant qui ne donne envie que d'une chose : qu'il continue avec ou sans masque égyptien à nous régaler avec ce Supersonic là...

Et une photo qui n'a strictement rien à voir (évidemment)...

 

14-Dominican-Manneken

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