Alexis Thérain & Kristof Hiriart - Eguna
Avec Temps Mosaïques, Alexis Therain avait su montrer qu'il était avant tout un guitariste qui aime les paysages. Pas les descriptions naturalistes, mais les états contemplatifs. Les déplacements légers, le souffle de l'air, les variations légères de température.
Le guitariste est un fidèle de la galaxie Yolk, où on a pu le voir notamment dans le trio d'Alban Darche (Brut ou demi-sec) ou avec Geoffroy Tamisier. Un voyageur, donc, que ses guitares mènent le temps d'un duo au cœur de la montagne basque au côté du chanteur et percussionniste basque Kristof Hiriart, une autre personnalité de la musique improvisée.
Les plus fidèles auditeurs de l'émission A l'Improviste d'Anne Montaron sur France Musique se souviendront de son duo avec le trompettiste Christian Pruvost, on sait aussi qu'il anime un duo avec l'accordéoniste Didier Ithursarry centré autour des chants traditionnels du Pays Basque.
Un chanteur aux rhizomes fort qui n'hésite pas cependant à se faire également nomade, comme dans cette rencontre avec Therain autour d'Eguna, un disque de chanson qui met en avant les textes, de plusieurs poètes choisis avec goût, mais aussi une quête de l'instant et de la rencontre.
Dans le timbre de la voix comme dans l'énergie qu'il déploie, dans un morceau comme « Pleonexe » notamment, on se doit de rapprocher le verbe de Hiriart a celui de Beñat Achiary.
Il y a cette même explosivité, et ces chants de gorge saisissant auquel une douceur peut soudainement faire place, comme avec cette « Darche Valse » qui permet de mettre en musique un magnifique texte de Mahmoud Darwich. Comme son nom l'indique, la musique composée par Alban Darche est une petite douceur harmonieuse que le chanteur ponctue de cris puissants.
Le rôle de Therain est d'induire des atmosphères sur les cordes de sa guitare acoustique auquel l'enregistrement donne un côté très charnel, à égalité de la voix, loin du format de la chanson traditionnelle.
Le résultat est un savant mélange de complexité et d'émotion brute, en témoigne le très beau « Tam-Tam » où la chanson se construit autour de jeux d'eau et de légères percussions sur les cordes. Le texte est désarticulé pour en trouver la racine la plus profonde... On aura également cette impression sur des relectures plus classique de chanson comme cette « Chanson de la plus haute tour », texte de Rimbaud habité par Ferré. Même si le format est celui de la chanson, il y a une puissance de la voix qui transcende le texte ; avec « Les gens de mon pays », beau texte de Gilles Vigneault, on trouve même un des plus beau moment de cet album.
Eguna, en basque, signifie « Jour ». Un paradoxe lorsque sur « Invictus » Hiriart parle des « ténèbres qui [l']enserrent, noires comme un puit où l'on se noit »... Mais c'est tout le sel de cet album de contraste. « Eguna », au centre de l'album, la douceur du réveil est de mise.
Un beau moment, plein de douceur.
Et une photo qui n'a strictement rien à voir. Enfin, va savoir...