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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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2 octobre 2015

Willem Breuker Kollektief - Angoulème 18 mai 1980

L'excellent papier paru sur Citizen Jazz de mon camarade Nicolas Dhourlès sur le label Fou Records, dont nous avons déjà eu l'occasion de parler à multiple reprises dans ces pages, nous informe précisément sur la genèse de ce label et la personnalité hors norme de son instigateur –on a envie de dire son fomenteur, tant est vive la montée en puissance du label- Jean-Marc Foussat.
Il y a sur ce label, certes, les nouveautés dont nous avons l'occasion de parler, des disques de rencontres du maîtres des lieux aux ouvertures à la jeune scène Free et approchante. Et puis il y a ce qui en fait sans doute tout le charme : l'ouverture à pas comptés, gourmande, des archives de l'Ingénieur du son Foussat, qui a enregistré bon nombre de concerts, suivis bon nombre d'artistes, mis en son bon nombre d'expérience...
Pour des amoureux du disque comme nous, c'est comme laisser la clé sur l'armoire à confiture.
On avait eu l'occasion, avec un concert enregistré Rue Dunois en 1982 de Joëlle Léandre et George Lewis entre autre, de se familiariser avec le design sobre, qui rappelle le feutre manuscrit sur les boites des bandes magnétiques. Ici, c'est un concert capté en 1980 que nous propose Fou Records. Un document hors du commun qui documente une période peu riche en disque d'un groupe mythique, matrice de nombreuses grandes formations, le Willem Breuker Kollektief (WBK) et sa folie en concert et sa dynamique incroyable que Jean-Marc Foussat restitue avec une fidélité émouvante, puissante, en un double album qui fait le choix de garder les réactions du public, les éclats de rire, les cris... Tous les ingrédients du parfait happening.
Car un concert su WBK, et ce n'est pas les excellentes notes de pochette de Jean Buzelin qui disent le contraire, était un « choc » théâtralisé et furieusement libertaire. On en aura ici la certitude avec « Marche & Sax Solo with Vacuum Cleaner » où un aspirateur tente d'ordonner le chaos ambiant gentiment rigolard.
Le net regorge de captations vidéos de plus ou moins bonne qualité du WBK, et comme j'avais 6 ans lors de ce concert et que l'orchestre est né en même temps que moi, c'est la seule façon qu'il m'a été donné d'en connaître l'âge d'or avec les disques. Nous sommes plusieurs dans ce cas : le tromboniste Fidel Fourneyron a été converti au jazz par l'explosif In Holland qui date des années 70.
Un concert du WBK, c'est un cri de joie. Ce cri perdure dans le temps et ne semble pas avoir de limite. Il embrasse l'Histoire du Jazz et une touche de tradition fanfaronne dans un même mouvement avec une modernité saisissante. En entendant le multianchiste Willem Breuker dans le morceau fondateur « Tango Superior » qui part dans tous les sens sans perdre le fil, on pense évidemment aux orchestres parmi ses contemporains qui ont définitivement changé la face du jazz européen comme le Vienna Art Orchestra ou le Mike Westbrook Orchestra, et même l'Instabile Orchestra italien.
Le registre du WBK est plus « total », touche à d'autre discipline, notamment le théâtre, ce qui est à mettre en relation avec les collaborations régulières avec le cinéma de Willem Breuker avec le cinéma, ce qui le rapproche, à toutes choses égales, d'une formation actuelle comme le Surnatural Orchestra. On en a un exemple ici avec « Flat Jungle », un titre tiré d'une Bande Originale de Film et où le pianiste Henk de Jonge nous offre quelques détours et clins d'œil amusés vers Chopin.
Entre autre.
Le concert est une libération qui nous saisit immédiatement avec le « Pale Fire » écrit par le tromboniste Willem Van Manen, l'un des acteurs majeurs de cet orchestre permanent, l'une des puissante lame de ce nonet de feu cuivré qui éclabousse à plusieurs reprise de sa grande technique à l'instrument (notamment avec le très référentiel et jouissif « Big Busy Band », écrit par lui aussi, où il s'offre un solo remarqué qui sort d'une masse bouillonnante.).
Le concert démarre bille en tête, avec ce morceau qui semble avancer comme une vague ; ce qui frappe, c'est la fureur , qui n'est pas une rage, mais qui saisit totalement, des soufflants comme de la base rythmique. Roborative n'est pas le mot. Il faudrait dire énorme. Le batteur Rob Verdurmen s'offre des moments absolument jouissifs hors de la masse. Il relance, il souffle sur la braise, d'autant que l'enregistrement lui rend grâce (« Potsdamer Stomp »). Son alliance avec le contrebassiste Arjen Gorter, absolument parfait donne parfois à la musique du WBK quelques reflets lacyens, qui résonnent comme un chaînon manquant.
De loin, cette sortie inopinée est l'une des plus enthousiasmante de l'année. On attend avec une impatience à peine contenue que Jean-Marc Foussat ressorte quelque trésor de sa boîte à malice.

Et une photo qui n'a strictement rien à voir...

99-Errance-Donibane

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