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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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29 septembre 2015

Frantz Loriot - Reflections on an Introspective Paths

Habitué de labels comme Cleanfeed ou Intakt Records, le violoniste alto Frantz Loriot est un sideman recherché, que l'on peut croiser notamment aux côtés de Joachim Badenhorst ou dans le Vision 7 de Pascal Niggenkemper. C'est dans cette dernière formation que l'on avait pu croiser le musicien qui nous avait impressionné par sa réactivité et sa chaleur, et cette capacité à toujours relancer le propos de l'orchestre tout en le mettant en danger.
C'est donc avec beaucoup d'intérêt que Reflections on an Introspective Paths, son album solo sorti sur le label Neither Nor Records a séjourné sur la platine ; parce que les albums de violon alto sont rares, mais aussi parce qu'il nous entraîne dans un voyage surnaturel, qui passe de l'infiniment grand à l'infiniment petit d'un morceau à l'autre.
De la multiplicité des archets qu'on croirait en re-recordings sur le premier mouvement de "Confluences" jusqu'à l'impression d'être au coeur de la corde, dans l'atome même du boyau dans l'intense Troisième mouvement, conçu comme un corps à corps avec l'instrument, qui donne le change d'un second mouvement qui confine au silence et joue des détails. Il est même des moments où la corde est tellement effleuré qu'on croirait un sifflement léger, cristallin, qui n'a rien d'incarné.
C'est l'un des rares moments où Loriot ne joue pas avec la raucité du "gros violon", et tout ces codes qui font sa réputation injuste, l'amplifiant même par toutes sortes de dispositifs électroniques et d'usage étendus : des batons, des pincements...
On ne peut s'empêcher de comparer Reflections on an Introspective Paths avec le solo de Guillaume Roy From Scratch. Les deux altistes partagent le goût pour l'imprévisible et l'approche charnelle du son, mais l'approche est différente. L'alto de Loriot est plus éloigné de son rôle naturel, il va chercher des sons éloignés au plus profond d'un spectre large. Il y a peu de percussion ici, on est loin également d'un autre solo -de violon cette fois-ci-, celui de Carlos Zingaró sorti sur le nouveau label portugais Cipsela dont le cher Olivier Marichalar nous parle sur Citizen Jazz. 
Reflections on an Introspective Paths est moins bondissant, plus plein. Tout s'inscrit dans une recherche de densité qui emplit l'oreille, une masse que les grincements craquellent, comme un relief accidenté. On songe à ce que Niggenkemper a pu proposer dans son récent Look with Thine Ears tant le dispositif de tension et le jeu permanent entre frappe et frottement est cousin. 
C'est dans "Equilibrium" que le disque donne la pleine mesure de sa puissance. Le morceau plus long que les autres dans cet album court donne corps à l'instrument dont Loriot joue de tout les états.
Tout commence dans un souffle, l'alto respire, il y a quelque chose d'une pression qui exhale, et puis ça module jusqu'à se dédoubler. Peu à peu, il y a des brisures, des anfractuosités, une rythmique presque imperceptible qui fait prendre conscience de la matière boisée du violon et du crin de l'archet qui cahote sans rebondir.
On est capté, jusque dans le chaos. Dans les limbes de "Wick Machine" et sa petite musique mécanique qui fera songer à ce que proposait Fanny Lasfargues dans son solo ou dans le craquement final, libératoire, sur le justement nommé "Attained".
Un passionnant voyage.

Et une photo qui n'a strictement rien à voir...

63-Volet

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