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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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20 juin 2016

Jean-Brice Godet Quartet - Mujô

C'est très difficile de chroniquer un disque pour lequel on a écrit les notes de pochette. C'est le cas pour cet album de Jean-Brice Godet, paru sur le label Fou Records. Vous pourrez aussi en lire la chronique par le camarade Nicolas Dourlhès. Ce disque est l'une des plus belles choses que j'ai entendu cette année. Je livre ici, avec l'autorisation de Jean-Brice, de larges extrait de ces notes de pochette :

Le concept du Mujô (無常), de l'impermanence, est organiquement lié à la pensée japonaise. (...) Dans son célèbre Hôjô-Ki (Notes de ma cabane de moine), Kamo No Chômei écrivait en 1212 : « La même rivière coule sans arrêt, mais ce n'est pas la même eau. De ci, de là, sur les surfaces tranquilles, des taches d'écumes apparaissent, disparaissent, sans jamais s'attarder longtemps. Il en est de même des hommes et de leurs habitations » ; la nature reste, le temps s'envole, change, mute ou se retourne. Il y a un parallèle nécessaire à tracer avec nos musiques qui ont fait de l'instant un monde à part entière où le moindre relief, la moindre scorie est fondée à renverser toute la structure.
En nommant son quartet Mujô, le clarinettiste Jean-Brice Godet se saisit de sa règle et de son crayon, puis franchit le pas allégrement. C'est une citation de Haruki Murakami, trouvée dans Écoute le chant du vent, qui lui a ouvert la voie : « Il n'existe pas de phrase parfaite. De la même façon, vois-tu, qu'il n'existe pas de désespoir parfait ». On écoute. Les clarinettes de Godet et le saxophone alto de Michaël Attias (...) incarnent cette brise. Les rafales soufflent chaudement, s'entrecroisent et s'affrontent en une danse rituelle. Mujô exalte les contraires, tourbillonne. (...) En musique non plus, il n'existe pas de phrases parfaites, mais il existe des rapports de forces féconds, surtout lorsqu'ils sont encadré par une base rythmique aussi turbulente que la contrebasse de Pascal Niggenkemper et la batterie de Carlo Costa. (...) Ces édifices à la fugacité somptueuse sont appelés à s'éroder. A disparaître en des milliers d'échardes : ils laissent une surface raboteuse qui garde la mémoire du temps.
Le temps, c'est toute l'affaire de Jean-Brice. Dans le quartet de clarinettes WATT, il tâchait à l'étirer, à dénicher la moindre petite ride dans l'immuabilité, à tarauder la moindre bulle de silence dans le bourdonnement persistant. Ici, il ne s'agit pas d'étendre ce temps, il s'agit de le ramasser, de repartir du néant pour mieux rebâtir, à l'instar des anagrammes d'Unica Zürn qui enflammèrent tant Pérec et auxquelles le quartet rend hommage dans ce disque.(...) Le paysage mute, l'horizon reste. De notre promontoire d'auditeur, on constate avec félicité qu'il est lumineux et dégagé.

C'est la première d'une série de Notes de pochette que j'ai écrit en 2016. On aura l'occasion d'en reparler.

Et une photo qui n'a strictement rien à voir... (enfin, presque, quoi...)

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