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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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11 février 2017

Michel Edelin's Flute Fever Orchestra - Kalamania

C'est tout à la fois une personne rare, qui a traversé les décennies sans un dommage et un musicien aux collaborations étourdissantes et à l'aura intacte qui est à la proue de ce présent double-album. Lorsqu'on pense flûtiste de jazz, on pense avant tout à Dolphy. Dans les contemporains, bien entendu à Nicole Mitchell. Quand on pense flûtiste de jazz européen, on songe à Michel Edelin. Parmi les jeunes générations, à Sylvaine Hélary.
Qu'on se rassure, dans ce double album Kalamania, joué par le bien nommé Flute Fever Ochestra et dirigé par Michel Edelin, mis à part Dolphy retenu pour cause de décès, ils sont tous là.
Enfin, à écouter "Totem", sur The Song of The Mad Faun, on peut tout de même se demander si son esprit ne rode pas alentour. Il danse fantomatiquement dans le creuset de l'impeccable base rythmique tenue par le contrebassiste Peter Giron et le batteur John Betsch ; on a vu attelage moins luxueux.
Kalamania est une déclaration d'amour obsessionnelle au roseau, à la tige, au souffle, au bois dont on fait les flûtes quand bien même celles-ci sont en métal. Il se compose de deux albums, regroupé dans une seule pochette parue sur l'exigeant label Rogue Art : le premier, The Song of The Mad Faun, est un sextet à quatre flûtes où la très douée Ludivine Issambourg, passée chez Wax Taylor, clôt le trio de soufflantes qui accompagne Edelin. Le second, Domus, est un exercice remarquable d'Edelin en solo qui joue avec toute la famille des flûtes, de la piccolo à la basse, des courts morceaux où l'atmosphère générale prévaut sur la virtuosité, pourtant omniprésente.
Un mot d'abord sur le solo, Domus, qui est un exercice périlleux. Récemment, on avait vu Mark Alban Lotz s'y frotter. On retrouve comme lui une dose d'électronique et des overdubs, mais l'usage étendu de la flûte reste centré sur l'instrument. C'est un travail sur le souffle et les harmoniques ("The Breath of Salomon Island") qui atteint son sommet avec la reprise du "Pannonnica" de Monk à la flûte basse.
Un trésor.
Edelin est un personnage. Venu du rock progressif, presque naturellement dans sa génération, il côtoie des les années 80 la fine fleur de la musique improvisée : Phil Minton, François Mechali, Simon Goubert, etc. Son premier album sous son nom, en 1980 chez Marge était déjà une Flute Rencontre dans une configuration présentant quelques similitudes (3 flûtes et piano/basse/batterie). Kalamania est son troisième album chez Rogue Art, après Resurgence en 2013 avec Goubert, Di Donato & Avenel.
Cet hommage à la flûte est particulièrement réussi. Le leader développe son goût pour les formes libres nées dans le milieu des années 60, en témoigne "Joyfull Struggle", un morceau de Mitchell où les quatre flûtes se répondent entre un solo de batterie particulièrement inspiré du trop rare John Betsch et la basse sèche de Giron, un fidèle d'Edelin. Nicole Mitchell est éclatante dans ce disque, elle qui rend visite à Edelin après l'avoir invité dans son Indigo Trio (The Ethiopian Princess Meet The Tantric Priest chez Rogue Art encore en 2011).
Mais la grande réussite de ce disque, c'est que son concepteur laisse beaucoup de place à ses comparses. Ainsi le très beau "Obsession", qui est finalement le sous-titre caché du disque pourrait être tiré d'un disque de l'ancienne président de l'AACM. Il rappelle par ailleurs que la plupart des flûtistes sont d'excellents chanteurs, et qu'une attaque de flûte est l'une des plus belles choses qu'on est créé pour susciter le groove.
De la même façon, "Le Chant du Faune Fou", avec ce Spoken Word si familier de Sylvaine Hélary est typiquement l'univers musical de la musicienne, avec cette façon si particulière de chanter dans son instrument. La flûte dans tous ses états ; voici le désir de cet album.
On y adhère pleinement.

Et une photo qui n'a strictement rien à voir...

01-Monochrome

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