Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
Derniers commentaires
Newsletter
32 abonnés
Archives
14 mars 2017

Caravaggio - Turn Up

Lorsqu'on se range sous l'égide du Caravage, c'est qu'on aime les atmosphères contrastées avec un goût plus prononcé pour les ténèbres. C'est une description qui convient parfaitement à Caravaggio, le quartet qui regroupe quatre fortes têtes qu'on voudrait nous présenter comme en provenances de latitudes différentes.
En réalité, Bruno Chevillon comme Eric Echampard, Benjamin de la Fuente comme Samuel Sighicelli ont le même horizon, celui d'une musique instinctive et nerveuse. Cogneuse comme il faut c'est à dire qui ne tombe pas comme à coups redoublés mais par petites accélérations précises, leste, qui font mouche à chaque fois.
Bien sûr, la basse de Chevillon est à la fois dure et bondissante, la batterie d'Echampard est comme toujours puissante, sauvage et explosive ; leur univers est celui du jazz et de la musique improvisée, dans le trio de Ducret entre autre, mais aussi dans l'ONJ d'Olivier Benoit que Chevillon a quitté depuis. Samuel Sighicelli est un pianiste et un compositeur qui évolue dans un registre contemporain comme son comparse violoniste Benjamin de la Fuente... Qui a participé en tant que compositeur au volet romain de l'ONJ d'Olivier Benoit. Comme on peut le voir, rien n'est simple dans ces franges équivoques où les limites entre les genres s'effacent.
C'est dans ces territoires en défrichage permanent que nous nous sentons bien, et sans nul doute qu'ils auraient plu au Caravage. Il trouve dans Turn Up, le nouvel album de Caravaggio paru sur le label de La Buissonne (où Sighicelli avait enregistré une très belle pièce contemporaine...) une illustration parfaite, qu'on pourrait presque résumer au titre « Blue Crytal », où une nappe inquiétante semble monter des profondeurs turbides, bouté par une rythmique inquiétante qui submerge d'électricité où les feulements hurlants se disloquent sous les riffs saignants et répétitifs qui se termine dans un sorte de mélopée hollywoodienne presque ricanante et malsaine.
Bambi matricide.
C'est violent, irrespirable parfois, mais on est attiré par le flot comme une sorte de sidération. C'est un sentiment qui poursuit à intervalle régulier durant tout l'album, mais trouve son point d'orgue dans le déchaînement de « 1064°C », sorte de d'orgie de métal soudaine et sporadique qui cogne avant de s'évanouir dans une longue plainte saturée et triturée, comme un corps essoré par un coup de rage qui s'essoufle.
On pourrait songer que tout ceci est très physique, musculeux, uniquement dans le rapport de force, mais l'interaction entre les musiciens est au contraire très réfléchi, s'installe dans une foultitude de détails qui maintiennent toujours l'écoute en alerte (« Tanker Fever »). Comme Le Caravage encore, si la scène pris dans sa globalité peut être crue, le soin apporté à chaque détail, à chaque symbole offre une lecture plus large.
Ce que propose le quartet dans Turn Up, c'est une forme de Rock déconstruit qui s'en donnerait l'allure, conservant les dispositifs de tension mais en changeant absolument de matière. Une grammaire adoptée avec un vocabulaire différent, en quelque sorte (« Street Art »). Un vocabulaire où l'électronique, le traitement du son et même le silence ont une importance cruciale. Une expérience moins radicale que ce que l'on peut parfois entendre chez Coax ou chez BeCoq, mais qui démontre d'une belle volonté de faire sauter les verrous, ce que les quatre musiciens de Caravaggio s'appliquent à faire depuis longtemps ensembles ou dans leurs carrières respectives.

Et une photo qui n'a strictement rien à voir...

 

09-Stairs

Commentaires