Jean-Philippe Viret - Les idées heureuses
Voici cinq ans que Jean-Philippe Viret n'avait pas retrouvé cet orchestre atypique sur disque. Supplément d'âme était l'occasion pour le contrebassiste de dépasser les limites de son champs d'action habituel. Dépasser mais pas transgresser, puisque la musique, certes très écrite, ouvrait grande les fenêtre à la discussion avec les musiciens en présence. A ses côtés, on trouvait des anciens de l'Intercontemporain ou d'autres prestigieux orchestres. On retrouve absolument la même équipe pour Les idées heureuses, nouvel album publié par Mélisse. Le violoncelliste Eric-Maria Couturier y fait toujours office de formidable éclaireur, comme en témoigne « L'an tendre », douce berceuse au gré des pizzicati qui s'inspire d'un morceau de François Couperin.
L'organiste de la Chapelle Royal est au centre de cet album. Les idées heureuses, ce sont les siennes, et elles sont à l'image de sa musique, sensible et discrète, qui ne réclame aucun satisfecit ni d'autres effusions. Le premier disque proposait déjà un morceau de Couperin, mais ici, c'est tout le disque qui s'y réfère. Il ne s'agit pas pour Viret d'écrire à la manière de ou de mettre les partitions en perspective.
Il s'agit de s'inspirer de la grande bienveillance et de la légèreté de son œuvre. Dans le soyeux « En un mot commençant », qui confirme l'attrait de Viret pour les calembours signifiants, le dialogue entre le violoniste Sébastien Surel et l'altiste David Gaillard est à la fois savant et sans fioritures, capable avant toutes choses de donner du mouvement et de suggérer des images. La dimension cinématique de Viret est toujours omniprésente ; même dans cet exercice de style où son écriture joue l'équilibriste entre le Baroque et un dynamique d'ensemble très contemporain se glisse toute sortes d'histoires et d'impression. Elles sont parfois même empreinte d'une grande dramaturgie (« Peine Perdue », brillante construction répétitive où le violoncelle est insolent de liberté).
Ces idées heureuses sont aussi l'occasion pour la contrebasse de changer de registre. Dès « L'idée que l'on s'en fait », inspiré d'ailleurs de « Les idées heureuses », œuvre pour clavecin de Couperin, le jeu plus profond de Viret, sans archet, s'inscrit dans une complémentarité de timbres visant à redéfinir l'approche du quatuor de cordes. Dans Supplément d'âme, sa volonté était de remplacer numériquement le second violon et de donner à sa contrebasse une sensation de légèreté. Dans ce circuit autour de François Couperin, elle est contraire plus dense et plus centrale, pic arrimé autour duquel converge ses compagnons. Ce disque est « un écho admiratif et affectueux » écrit le leader dans ses notes de pochette. On le répercute avec plaisir.
Et une photo qui n'a strictement rien à voir