Duo Continuum - A Petits Pas
Il faut aller parfois vers la simplicité. Le dénuement, cette sorte de douceur que procure l'échange entre deux musiciens loin du tumulte, seuls avec leurs instruments. Deux musiciens de nuit, deux musiciens qu'on aime parce que justement, ils ont fait de la simplicité une quintessence.
Entre Jean-Marc Larché et Yves Rousseau, il y a une complicité ancienne, immédiate, évidente. Le contrebassiste accueille le saxophoniste depuis des années dans son quartet, ils ont notamment enregistré Akasha et surtout Poètes vos Papiers ensemble.
Ils se retrouvent en duo pour ce beau Continuum qui agit immédiatement comme une épiphanie, à l'écoute de "Ambre", marqué par une révérence certaine aux compositeurs français du début du XXeme, ou "L'envol" où Rousseau laisse son complice prendre du large pendant que sa contrebasse marque le temps qui passe par un abandon latent : comme on peu le comprendre, les deux premiers morceaux parlent d'amour et de mort, et le duo dressent une élégie brillante à ces amis partis.
On est émus, avec eux. L'empathie vient de la beauté alentour, sans joliesse inutile, uniquement dans une simplicité de chaque instant.
Conçu en huit parties distinctes qui parlent d'amour, de poésie, de nature et de peinture, le dernier des plaisirs de ce monde étant réglé par la musique, Continuum est une série de miniatiures, d'instants, de flash lumineux qui nous transportent.
On va de Bach ("Wie soll ich dich empfangen", où Larché est absolument magnifique dans le bourdon de l'archet) au peintre autrichien Hundertwasser (car il est autrichien, figurez-vous, monsieur Rousseau) où la contrebasse se promènent dans les paysages colorés du peintre architecte qui conçut des pochettes pour Don Cherry. Hundertwasser était un humaniste, et l'un des plus brillants artistes de la seconde partie du XXeme siècle, cette musique est elle aussi, profondément humaniste, sa limpidité ne s'interdit aucun paysage, tant la concorde règne.
Le duo Continuum agit comme un accélérateur d'imaginaire.
Le fait est qu'il fonctionne parfaitement : il suffit, avec Continuum, de fermer les yeux pour voyager, l'"Aria" nous porte aux nues pendant que "Uyuni" et ses déserts de sel sont une ode à une forme de pureté brute, brillante et sauvage, vaguement périlleuse malgré sa majesté.
On ne peut qu'être ravi de ce disque, comme de retrouver ce disque comme on retrouverait un chez-soi chaleureux. Paru sur le label de Fran(c)k Tortiller, autre grand élégant. La pochette de ce disque montre des petits pas dans la neige.
Debussy n'est jamais loin.
Et une photo qui n'a strictement rien à voir...