Novembre - Encore
Il faut se pincer pour se rendre compte que Calques, le premier album de Novembre date de 2016.
Sept années de réflexions pendant lesquelles ce petit monde a bien grandi, et le groupe a beaucoup évolué : la raison en est d'abord le remplacement de la batterie, Elie Duris ayant cédé sa place à Sylvain Darrifourcq, ce qui se perçoit sensiblement jusque dans la construction des morceaux, toujours conçu par le clavièriste Romain Clerc-Renaud et le multianchiste Antonin Tri-Hoang.
Dans l'improprement nommé "Miniatures", puisqu'il s'agit du morceau le plus long de ce double-album, le jeu si particulier, si identifiable de Darrifourcq, cette petite mécanique subtile qui porte au coeur transporte Novembre dans une autre dimension. Une identité nouvelle, paradoxalement plus proche de l'univers des autres musiciens. On perçoit notamment, et ce jusque dans le chaos défilant dans "Continuum" et son idiome Free revendiqué, toujours aussi proche de l'esthétique d'Ornette Coleman, que la contrebasse de Thibault Cellier s'éclate avec un tel batteur.
Ce qui tombe bien, puisque nous aussi.
Il en est d'ailleurs de même pour Antonin Tri-Hoang, qui habite littéralement cette première partie d'album et qui semble souvent en fusion. Dans un propos très collectif, si le soufflant est très en avant, c'est qu'il est la courroie de transmission du reste du quartet et celui qui peut le plus jouir de la liberté induite par la mécanique de la base rythmique.
Clerc-Renaud n'est pas en reste, qui s'offre quelques belles échappées, jouées sans apprêt, dans le flux, avec Cellier et Darrifourcq dans le rôle banderilles. On comprend le titre Encore, parce que cette énergie est réclamée, et pleinement satisfaisante. L'énergie ne fait pas tout d'ailleurs, comme en témoignera le doux final de "Petit Marin" ou Thibault Cellier nous arrache de profondes émotions dans un solo d'une douceur rare.
Pour revenir à "Miniatures", ce qui est intéressant, et ce qui justifie le titre, c'est cette capacité à multiplier les petites cellules courtes et les bifurcations, sans pour autant en faire un alpha ou un omega. S'il y a quelques incursions zorniennes, elles restent anecdotiques et viennent nourrir une réflexion plus globale, qui donne à Encore toute sa raison d'être.
Car on le pressent, Encore est une sorte de panégyrique de la tournée, de la scène, du spectacle.
Encore, comme un rappel.
C'est la seconde partie de l'album, le deuxième disque travaillé avec l'électroacousticien du moment, Marc Baron, qui nous en donne les clés. Pièce en deux parties, il se présente comme un carnet de tournée du quartet, ou du moins un cahier de souvenirs. On y entend Elie Duris en 2018, quelques souvenirs de Sons d'Hiver et du Field Recording. On voyage les yeux fermés.
On tourne, avec eux, avec beaucoup de poésie. Paru sur le label Umlaut qui revendique ainsi son attachement aux musiques aux confins du jazz et de la musique contemporaine, Encore est une des belle surprises de cette première partie d'une année 2023 plutôt enthousiasmante.
Et une photo qui n'a strictement rien à voir...