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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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30 octobre 2023

ONJ Fred Maurin + Steve Lehman - Ex Machina

Il est des disques comme ceux-ci, on sait tout de suite. Nul besoin de chercher des raisons autre que ceux du cœur, et pourtant il y en aurait mille : Ex Machina, le nouvel album de l’Orchestre national de Jazz est une épiphanie parce qu’elle combine à la fois l’intelligence et la pertinence d’un travail recherché et raffiné et la côté absolument tripal et direct d’une musique sensible et rusée. Jazz et Musique Spectrale. Puissance du saxophone Alto de Steve Lehman et direction brillante de Fred Maurin.
Ceinture ET Bretelle
Du saxophoniste étasunien, on suit la carrière depuis de nombreuses années, aux côtés de Vijay Iyer ou de Rudresh Mahanthappa, sa proximité avec Anthony Braxton, ou encore avec son formidable octet Mise en Abyme. Sans oublier son magnifique travail autour du Hip-Hop. Du second, on aime tant la diversité et la synthèse de son ONJ et ses expériences autour de Ping Machine. Sans oublier son approche du Metal et sa passion pour Frank Zappa.
Poire ET Fromage.
Avec Ex Machina, et son ONJ renouvelée où l’on s’ébaudit devant un solo de la contrebassiste Sarah Murcia sur le très beau « 39 », les deux artistes se font encore plus synthétiques et gourmands qu’ils ne le furent déjà : Fruit d’un travail avec l’IRCAM et du logiciel Dicy2, les quinze pupitres de l’ONJ échangent avec une intelligence artificielle générative (voir les interview de Steve Lehman et Jérôme Niska sur Citizen Jazz) pour construire un matériel aux rythmiques profondes, étrangement soyeuses où les vibraphones de Stephan Caracci et Chris Dingman ont une place à part, comme dans l’incroyable « Jeu d’Anches » qui permet d’entendre un solo de Jonathan Finlayson, entendu dans certains orchestres de Mary Halvorson.
On est globalement étourdi par le talent de l’ensemble des solistes et leur implication ; dans « Speed Freeze (Part 1) », peut-être la plus spectrale de toutes les approches de cet Ex Machina, c’est rien moins que Christiane Bopp et Catherine Delaunay qui encadrent Steve Lehman dans les solos pour deviser avec l’entité électronique, où plutôt composer avec cette présence, cette masse de son comme une nouvelle dimension ; organiser un discours et une pâte orchestrale avec l’imprévisible champs des machines. On ne peut s’empêcher de penser à ce que développe Braxton dans son langage Diamond Curtain Wall et le logiciel SuperCollider, ou même sur son interrogation sur l’espace-temps avec Echo Echo Mirror House. A ce titre, « Le Seuil », en deux parties finales, ou « Les Treize Soleils » sont les points culminants d’un exercice fascinant. Dans ce dernier morceau, on retrouve parmi les solistes la talentueuse Fanny Ménégoz à la flûte. On n’a pas fini d’ailleurs de parler d’elle !
Car Ex Machina parvient à donner vie à la machine. Une vie comme une carnation : rien n’est plaqué ou posé, tout est vivant et palpitant, il y a des dynamiques nouvelles, des niches et des trouvailles, et une joie de chaque instant. On perçoit avec ce disque que Fred Maurin est allé au bout de ses idées, qu’il a perpétué ce qu’il avait déjà en germe au sein de Ping Machine. Il ne joue pas de guitare ici, les vents dominants le discours, mais il guide une synthèse qui fera date dans l’Histoire de l’ONJ, aux côtés du Berlin d’Olivier Benoit ou du A plus tard du regretté Denis Badault. Une réussite totale d’une ambition rare, comme on les aime. Un disque qui peine à quitter la platine.

Et une photo qui n'a strictement rien à voir

 

48-Errance Lapeyrugue copie

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