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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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10 novembre 2023

Stéphane Payen - Baldwin en transit

James Baldwin est un héros. James Baldwin est un phare.
Voix et plume africaine-américaine parmi les plus acérée et les plus respectée, son rapport à la musique a toujours été un sujet d'étude. Passionné par l'écrivain, le saxophoniste de Thôt ou de Print Stéphane Payen a depuis longtemps le désir de rendre hommage à l'écrivain ; on le sait depuis toujours, le musicien proche du collectif Onze Heures Onze a toujours aimé confronter les rhizomes les plus profonds du jazz avec une expression très contemporaine.
Alors qu'ici nous avions adore All Set, le disque avec Ingrid Laubrock dont les notes de pochette furent écrit par votre serviteur, c'est sans doute avec Baldwin in Transit que Stéphane Payen réalise l'un de ses projets les plus personnels.
C'est au festival Jazzdor que la création de Baldwin en Transit a vu le jour, mais il transcende depuis bien longtemps maintenant la musique de Payen : comme l'écriture de Baldwin, et peut-être dans un passionnant jeu de miroir, le saxophoniste a un paradigme résolument transatlantique. Baldwin arrive en France en 1948, et cette histoire est largement documentée, la musique de Payen est un constant aller et retour qui dans la remarquable "Part. 2", la flûte de Sylvaine Hélary et la guitare omniprésente de Marc Ducret s'installe néanmoins dans une esthétique très européenne.
"Call Me Jimmy" dit la poétesse Tamara Walcott pour mieux tutoyer le propos de l'écrivain ; plus loin, dans la remarquable "Part. 6", elle passera au français sur une flûte d'Hélary : "Je suis ténèbre et doute, je suis l'échappée" dit-elle, dans le brouillard ardent du violon de Dominique Pifarély. 
On comprend alors, ce que le vieux compagnon de Stéphane Payen, Mike Ladd, souligne dans la très belle "Part. 3" avec Dominique Pifarély. Un violoniste omniprésent, d'une importance cruciale qui réitère en signant "Rester Etranger", sorte de manifeste de l'album : Plus que Baldwin, placé en référence, c'est de l'exil dont il est question.
Du Départ, de l'Altérité.
A Ladd et Walcott s'ajoute Jamika Ajalon, qu'on entend notamment dans la très belle et tendue "Part. 4" ("You don't know what is like to be black and a man"...) qui s'ouvre sur l'une des rocailles de Marc Ducret. Trois poètes qui ont quitté les Etats-Unis pour l'Europe, trois voix écorchées qui font écho à Baldwin, dont Payen à l'intelligence de ne pas solliciter les textes.
L'égratignure traverse le temps, et c'est toute la réussite d'un Stéphane Payen qui se met absolument à la disposition de ses musiciens. Il y a, dans cette musique intense et parfois tortueuse, toutes sortes d'unisons et de petites clairières de quiétudes où son alto fait merveille.
C'est encore un disque important que nous propose le label Jazzdor Series. Dans son évocation de James Baldwin très théatralisée, Stéphane Payen frappe un grand coup, avec un propos très pertinient et d'une grande poésie.
Un grand plaisir.

Et une photo qui n'a strictement rien à voir...

17-CC-318322

 

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