Le Grand Schwab - Retrouvailles
Longtemps, le Grand Schwab a fait saliver ceux qui s’intéressent depuis longtemps à la relation particulière qu’entretiennent le contrebassiste Raphaël Schwab avec le saxophoniste Julien Soro, tous deux impliqués dans l’orchestre de Fred Maurin, Ping Machine. Bien entendu, on a retrouvé ces deux là au sein de l’ONJ du guitariste, mais il y avait la promesse d’une aventure à part avec des anciens de Ping et d’autres artistes partie prenante du collectif Pegazz et Hélicon, comme Paul Jarret ou le talentueux Illyes Ferfera, qu’on a par ailleurs entendu chez Ellinoa.
Bref, une petite famille que tout cela.
Retrouvailles, le nouveau disque de Schwab, résume bien ce que l’on entend : un orchestre soudé de douze pupitres qui savent à peu près tout du Grand Format : on y entend par exemple le trompettiste Quentin Ghomari, ou le tromboniste/soubassophoniste Fabien Debellefontaine, qui étaient de Ping Machine. On y retrouve également Sylvain Bardiau, habitué du Sacre du Tympan ou de Journal Intime.
Bref, de la fine fleur qui peut tout autant animer des passes d’armes assez classique (« Il y a urgence ») où Soro sait prendre la direction des mouvements de l’orchestre avec autorité, sans que Schwab ne lui cède la base rythmique qu’il anime avec Ariel Tessier ; les tuttis des soufflants savent conduire un orchestre au point de chauffe sa ns chercher la rupture, même si le pianiste Marc Benham parvient à semer le chaos avec la guitare enflammée de Paul Jarret.
Le Grand Schwab est, somme toute, assez imprévisible. Envisagé d’abord comme un orchestre plutôt sage et joyeux, on sait y déceler une certaine noirceur sous-jacente et un goût pour les ambiances cinématiques et tendues, à l’instar de ce que l’on entend dans « Mouvement Perpétuel », où Florent Dupuis à la flûte et Paul Jarret à la guitare conduisent un mouvement tout doux, joliment répétitif avant qu’il ne prenne des couleurs plus claires obscures, notamment avec le ténor de Guillaume Christophel.
Mais l’ADN de cet orchestre, qui s’enregistre en public parce que c’est important dans le développement de cette musique, c’est une forme de turbulence qui s’exprime avec joie dans « Jolie valse joyeuse », le sommet de cet album. Ça tournoie, ça envoie, ça rigole et ça joue avec les spectateurs sans rien perdre d’une certaine élégance née avec les couleurs de Ping Machine. Ghomari survole le tout avec une fougue qui rappelle Papanosh et les bals des Vibrants défricheurs, mais le travail contrapuntique de l’orchestre donne une profondeur folle au propos. Parfois, dans les climax des soufflants, on serait tenté de penser à la verve libertaire d’un Willem Breuker Kollektief caché dans cette danse déconstruite. Peut on faire meilleur compliment à un big-band de ce genre ? Merci à Raphaël Schwab d’avoir programmé ces Retrouvailles !
Et une photo qui n'a strictement rien à voir...