Deux poids, deux mesures
Hier j'ai regardé les vingt ans du Zapping. Je n'avais pas envie de parler de ces affaires médiatiques qui bousculent Polanski et notre ministre en papier bible dans un amalgame raccourci et un peu confus, comme toujours quand les sophistes à mèche s'en mêlent.
Et puis je me suis rappelé que lors du premier épisode de ce qui représente le plus intéressant témoignage subjectif de notre époque et de son rapport aux médias, nous avions eu le droit de revoir un extrait de ce genre d'émissions que seul TF1 savaient faire à l'époque et qui exploitaient avec un voyeurisme commisératif les drames humains d'anonymes perdus dans des zones pavillonnaires sordides.
Dans cet extrait d'émission que je me rappelle avoir vu en direct, à l'époque, avec effroi, un village qui glosait sur l'abus sexuel d'un père sur sa fille, en des termes abjects. En l'espèce, et pour reprendre une formule caricaturale mais synthétique : "c'est elle qui n'avait rien fait qu'à l'aguicher" ; enfin bref, ces moments où l'on hésite entre tourner le bouton définitivement ou regarder, fasciné, la fange de l'âme humaine se déverser... J'avais choisi à l'époque la première solution.
Cet épisode m'est revenu à l'écoute de ce moment hallucinant sur France Inter où Finkielkraut, qui doit faire faire des soleils à Roland Barthes usait à peu près de la même argumentation dans un embrouillamini sophiste tellement bien décrypté par Fontenelle.
Entendre Finkie, celui qui a écrit le nouveau désordre amoureux, se perdre dans de tels méandres pour la sauvegarde exclusive d'une petite élite germanopratine, cela pourrait prêter à sourire s'il ne s'agissait pas de l'abus, qu'il soit contraint ou non, d'une gamine de 13 ans dont on a manifestement acheté la levée de plainte avec de la thune, comme il est de coutume dans la bonne bourgeoisie depuis des siècles.
En clair, changez de bobine, ce n'est plus du Polanski, c'est du Chabrol...
La justice de Classe -puisqu'il faut appeler un chat un chat- prônée par ceux qui nous chantait il y a peu la fin de l'Histoire laisse un sale goût dans la bouche... Mais que penser d'une société où l'on absout un ministre PMU en flagrant délit de propos limites sur l'ethnie d'un de ses concitoyens, sur le mode du moment de relâchement humoristique, et où l'on vilipende un type qui s'emporte sur la relativisation de la gravité du tourisme sexuel pour les élites comme étant à la limite du crypto-fascisme et de l'ordre moral ?
Qu'elle va mal ? C'est indéniable.
Ça nous amène à "l'affaire Mitterrand", compétition Olympique de mauvaise foi. Le lynchage médiatique me met mal à l'aise (même si le lynchage est un mot trop fort pour ce cas précis, si l'on pense à "Strange Fruit"...), mais il convient de prendre du recul ici ou là pour mieux appréhender les choses. Ce qui est aussi insupportable que l'amalgame de l'extrême-droite entre homosexualité et pédophilie, c'est la grande confusion entre Gide et Mitterrand, sur le mode de la "licence artistique". D'abord Gide ne fut pas ministre du gouvernement (qui expulse à tout bout de champs des prostitués, voulait "rétablir la Morale", en "finir avec 68" et j'en passe...) d'un pays qui s'est positionné assez clairement contre le tourisme sexuel. Ensuite, si la "licence artistique" est valable pour notre ministre en papier bible, elle doit l'être pour Orelsan, La Rumeur, ou même, pourquoi pas, Siné... Deux poids deux mesures ?
Allons donc...
Une photo qui n'a rien à voir, pour aérer un peu...