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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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26 juillet 2011

Jusqu'au trognon

La musique est parfois une constellation de cadavre dans lequel on pioche les feu-follets les plus vif-argent, une sorte de mythologie du musicien parti trop vite, de l’ange déchu qui s’est grillé les ailes, du génie terrassé...
En allant plus loin, on dira que la vénération des morts, c’est l’histoire de la musique populaire depuis les Années Folles : Bix Beiderbecke, 28 ans, et sa pneumonie en 1931. Eric Dolphy, 36 ans et son diabète en 1964. Hendrix, 27 ans et son étouffement en 1970. Joplin, 27 ans et son OD. Tant d’autres qu’on rajoutera au gré de ses goûts… Parmi ceux là, quelques intrus dont des rimailleurs pénibles et son ami bousilleur d’orgue Hammond qui fait pleurer les midinettes au Père-Lachaise… Rien de grave ; l’habitude voudrait bien sur qu’on révère le musicien pour sa musique et pour son talent. Mais on ne peut pas grand-chose contre le charisme capillaire !
Tout ceux-là auront délivré un message musical, témoigné d’une époque, favorisé l’hybridation des styles musicaux, dansé sur les flammes… Et surtout, ils auront eu la décence de décéder avant de devenir des starlettes aigries et bouffies de prétention qui alignent les reniements comme les clous qui ne sont pas plantés dans le cercueil. On avancera même que c’est de là que leur vient ce statut.
Bien sur pour certains d’entre eux, l’industrie musicale fait un peu durer la vénération, rallonge la sauce, organise les reprises, sort des compiles de compiles, repackage, gratte les fonds de tiroir pour sortir l’enregistrement deux-pistes d’une ritournelle de salle-de-bain de motel, mais l’œuvre vivante est toujours là, et c'est elle qui compte…
Le commerce du chanteur mort, c’est comme les chrysanthèmes en novembre : la douleur du souvenir irradie surtout le portefeuille. Le business de la mort, ça se fait mais ça ne se dit pas, parait-il. Mais comme c’est ce qui rapporte le plus, autant sortir les superlatifs déconnectés, les cris de douleurs feints, les resucées de malheur éploré. On l’avait déjà vu l’année passée avec le plus grand danseur de danse de jeune de l’époque.
Depuis ce week-end et le décès somme toute programmé avec un zèle tout particulier par une conduite addictive assumée et même incrit dans le plan marketing, le monde entier semble communier dans la tristesse. Les réseaux sociaux sont gavés d’inconsolables d’Amy Winehouse, chanteuse à la voix rauque ayant découvert dans son second et dernier album la Northern Soul anglaise après avoir dans son premier album plutôt tangenté les dandinements électro. La preuve d’une continuité conceptuelle évidente et d’un producteur malin qui a trouvé les bons musiciens de studio au bon moment pour promouvoir le bon paquet de lessive.
Une pauvre fille de 27 ans usée jusqu’au trognon même plus capable de finir, voire de faire un concert, même couvert par des choristes pétris de talent. Ange déchu, sans doute. Musicienne, elle n’aura pas eu le temps de le prouver. Ce n'est pas pour cela que la tragédie en est moins triste ; juste que l'histoire personnelle de cette jeune est bien plus sujette à douleur que le produit marketing usé jusqu'à la corde qui libérera les picaillons.
A force de ne plus rien proposer d’innovant et de créatif, le mainstream en vient à piller de plus en plus vite ses oisillons tombés du nid et à tout niveler sans oreille pour plus de profit. Ainsi, tout de suite, les endeuillés ont rangé la pauvre Winehouse dans la sinistre mythologie du Club des 27. Certains ont même perdu la raison au point de prétendre que dans 200 ans on se souviendra d'elle... Alors que les solderies auront peut être du mal à s'en souvenir dans 10 ans.
On a bien sur le droit inaliènable d’avoir le système auditif d’une huitre, mais comparer la musique d’Hendrix à celle de Winehouse du fait d’une proximité d’âge et de substance, c’est tout de même tellement stupide que ça mériterait d’inventer des tortures, comme écouter un disque de David Guetta en entier, par exemple…
A ce rythme, on peut même se dire que Toni Braxton et Anthony Braxton, c’est à peu près la même chose ! Certains me demanderont des arguments : demandez les à Prince, à Miles Davis et à tous ceux qu’Hendrix a libéré ! Et si Hendrix ne jouait pas ses albums sur scène, c’est simplement que les 25 couches de re-recording, d’effets ou d’overdubs ne le permettaient pas… Ce qui ne l’a pas empêché de créer sur scène une autre musique, plus crue, plus dure, plus enflammée !
C’est l’industrie du disque dans son ensemble qui a tout nivellé par le bas. C'est l'industrie du disque qui a substitué l'émotion à l'artistique. C'est l'industrie du disque qui a créé ce genre de figures terrifiantes et les ont usées jusqu'au trognon. C'est l'industrie du disque qui ramasse la mise.
C'est l'industrie du disque qui danse dans les cimetières.

Et une photo qui n'a strictement rien à voir... On y verra même un symbole, tiens

05-YSN

Commentaires
D
Dans la série jeux de mots débiles (et des champs) autant qu'éculés, y a aussi le mariage d'Aretha Franklin avec Sean Connery. Appelez-la Aretha Connery.<br /> <br /> OK. ------>
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L
Ah ? C'était la musique de son père ? Je ne savais pas. Pour te dire à quel point je m'en tamponne de tout ça, et que ça ne changera pas au fait que Back to Black est un album que j'aime bcp, et que je continuerai à l'écouter. <br /> <br /> Je note quand mm Fontella Bass. Je connais pas. Mais ça, tu dois t'en douter, tu sais à quel point je suis inculte.<br /> <br /> Par contre, tu es aussi vil qu'un odieux connard. J'ai failli exploser de rire devant mon écran. En open space, c'est moyen.
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F
N'empèche que si Mike Tyson avait eu un enfant qui s'appelait Paco, il aurait été obligé de passer l'hiver dans l'émisphère sud.
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F
Si tout le monde s'en tape, c'est peut être un éclair de décence. Parce qu'au fond, ce n'était pas vraiment sa musique, non ? Entendre le premier album m'en persuade. La Northern Soul, c'est la musique de son père ! Et si on veut écouter de la bonne Northern Soul, pensons à Fontella Bass ;-)<br /> Je te rejoins, là on est dans le Freaks le plus total : vendre du sordide pour faire peur aux enfants.
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L
J'ai beau triturer mes neurones pour pondre un de ces commentaires savoureux dont le Bête et moi avons le secret, sur celui là, je n'y arrive pas. Pourtant, ton teaser m'avait émoustillé, je m'étais dit "chouette, il va descendre en flamme Amy Winehouse, je vais pouvoir faire ma défenseuse de musique mainstream" et blam. Tu nous ponds ça. Le truc imparable tellement c'est vrai. Comment veux-tu que je raconte nawak à partir de ça, hein ? <br /> <br /> Puisque je ne peux pas raconter nawak, je vais donc abonder dans ton sens. Tu l'imagines, ici, la mort d'Amy équivaut à celle de Lady Di : son père est sur tous les écrans pour remercier les fans de leur soutien, la BBC (qui a décidement perdu toute mon estime) avait son reporter live en direct de Camden pour suivre les derniers rebondissements de l'enquête car clairement, la mort d'Amy questionne d'autant plus que son médecin était content de son état de santé la veille du drame. Je parie même qu'il y a eu une retransmission en direct de sa crémation, ou un autre truc du genre.<br /> <br /> Au-delà de l'utilisation honteuse des commerçants de la mort d'une fille de 27 ans visiblement mal dans sa peau et qui aurait peut être eu plus besoin d'un psy que d'un manager, ce qui m'effraie le plus est la tendance charognarde de nos sociétés occidentales. La France n'est pas encore au même niveau que le Royaume-Uni qui, par de plus en plus d'aspects, me semble être un mini US en devenir. Les gens normaux, appelons-les la masse, ne semblent pas intéressés par quoique ce soit qui élève quelque peu la condition humaine au delà du statut d'animal : l'Art, la religion (j'entends foi personnelle, pas dogme ni structure), prendre conscience de ce qui ce passe autour d'eux et s'y intéresser, réfléchir à la marche du monde, etc. <br /> <br /> Non, rien de tout ça. Ce qui les intéresse, c'est ce qui se passe au coin de la rue, et plus c'est sordide, mieux c'est. Et les médias, même ceux qui avaient une réputation de sérieux (BBC), jouent le jeu à fond. S'ils peuvent avoir une info avec meurtre, enfant et pédophilie, alors là, c'est le jackpot. Autre truc tendance : la maltraitance des personnes âgées par le staff médical, ce qui d'une certaine manière revient au même vu que les personnes âgées sont complètement infantilisés (car dépendants), et que si on les maltraite, ils meurent.<br /> <br /> L'occasion de la mort d'Amy va donc permettre de ressortir les détails sordides et croustillants de sa vie médiatique bien remplies (la vilaine fille qui n'écoute pas son papa chéri adoré - suis-je la seule à m'interroger sur la responsabilité du père sur l'état psy de la fille ou quoi ?), de dire que la drogue c'est mal et qu'on en trouve au coin de la rue, qu'il y a ici et là, pas si loin des guerres de gang dans des zones franches où la police n'a plus le contrôle, meurtres, drogues, INSÉCURITÉ POUR VOS ENFANTS, ARMES A FEU, NE SORTEZ PAS DE CHEZ VOUS !!!! . <br /> <br /> Le plus triste dans tout ça ? La musique d'Amy... tout le monde s'en tape. Et ça, ça fout vraiment les boules.
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