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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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8 octobre 2011

Marc Ducret - Tower, vol.2

Attendu après un premier volume qui avait fait forte sensation, le second volet de la trilogie Tower -qui pourrait peut être subir le même sort que les tiers des cocktails de Raimu, selon mes informations- tourne avec délectation sur la platine et affirme -s'il en était encore besoin- le talent de Marc Ducret, tant comme instrumentiste que comme compositeur. Encore une fois, c'est le label Ayler Records, décidément très en pointe dans cette année 2011 qui poursuit cette adaptation musicale du 12ème chapitre du roman de Nabokov, "Ada et l'Ardeur".
On avait laissé Ducret dans le volume 1 avec une équipe franco-danoise foisonnante qui rappelait en partie le travail du Sens de la Marche, la pochette de cet album touffu laissant apparaître une mécanique de précision et une photo de Lolita comme seule indication. Le jeu de piste se poursuit et continue de tangenter la carrière de Ducret, de circonvoluer dans une acidité faite de métal et d'électricité, de chercher encore de nouvelles voies et de nouvelles traverses. C'est l'électricité, cette fulgurance dangereuse et magique, dont il est question dès le premier morceau de l'album, où l'on se réjouit de trouver le violon capricant et ténébreux de Dominique Pifarely. "De L'électricité" est un morceau à prendre comme un interlude dans la continuité de "L'ombra di Verdi". Un jeune rêve éveillé dans un huis clos urbain, une expérience charnelle fait de crissements qui sculpte une mélodie fébrile dans le chaos glauque de la ligne 13 du métro parisien. Cette rage contenue semble exploser à l'air libre dans la rudesse des traits de guitare de Ducret. Ce morceau, d'une grande richesse, constitue pour l'instant la pièce maîtresse de ce projet par sa densité et ses changements soudains de directions, passant d'une griffure de la masse sonore à des saccades funk en un instant, comme un voyage immobile, une digression qui passe de la chaleur étouffante d'une rame de métro à la froideur apparente d'une rue sale et anonyme... L'alliance Pifarely/Ducret est incroyable. Ce déluge d'électricité, entre la volubilité du violon et les dispositifs de tension de la guitare, donne le ton à l'album, tout comme le jeu plein de cassures et de violence de l'alto de Tim Berne, remarquable de bout en bout.
Car dans ce second volet, on retrouve aussi les comparses de plus de vingt ans du guitariste, Tim Berne et le batteur Tom Rainey. Le retour du Big Satan ? C'est vrai que tout ceci a des sulfureux airs de reconstitution de ligue dissoute... On y retrouve avec plaisir la puissance et les heurts du trio... Mais le langage a encore évolué, et la présence de Pifarely est sans nul doute décisive. La musique est plus âpre sans pour autant sacrifier une certaine sophistication. Les rythmiques bancales et toujours à-propos du formidable batteur Tom Rainey -dont on avait énormément aimé le trio-, sont capables en un instant de changer la couleur et d'illuminer "Softly Her Tower Crumbled in The Sweet Silent Sun" qui clôt l'album comme il clôt le chapitre du livre, dans un quiétude faussement sereine.
Sur la pochette, la pièce de précision s'accole avec bonheur à la précédente, tout comme le chien s'imbrique au matelas de Lolita. L'absence d'indication ne freine pas la perception d'un propos plus aride, plus tendu, plus complexe encore sans perdre l'énergie du mouvement. Tower vol.2 développe une somme de sensations et d'impressions qui rapprochent le propos d'un langage plus écrit et plus contemporain, lorgnant sur certaines constructions braxtoniennes, notamment dans le morceau "Real Thing #3".
Il faut s'impregner des trois "Real Thing", ainsi que de la conclusion pour bien comprendre la continuité conceptuelle de ces Tower. L'entrelacement subtil du propos et ce qu'il dit de la musique du guitariste ; cette lente dissolution de la masse orchestrale dans la sècheresse de l'électricité. Cette énergie aussi fragile qu'elle semble inexorable, pour devenir insidieusement calme, comme un regain d'énergie époumonée. Cette impression de voir s'écrire devant nous une pièce majeure dans l'expectative du troisième volume...

Et une photo qui n'a strictement rien à voir...

03-Craux

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