Polymorphie - Voix
Voilà plusieurs mois que nous n'avions pas parlé en ces lignes du bouillant collectif lyonnais le Grolektif, dont le paquebot amiral Bigre! devrait bientôt faire reparler de lui dans un nouvel et réjouissant album qu'on attend avec impatience.
Comme dans beaucoup de jeunes collectif à travers l'hexagone, les projets sont multiples et disparates et embrassent plusieurs styles avec bonheur et fougue sans se soucier des cases, mais bien de la cohérence globale. C'est tout l'intérêt de musiciens comme Romain Dugelay ou Clément Edouard qui fut membre de Bigre! avant de se concentrer sur ses beaux projets comme Irène pour le label Carton, dont l'atmosphère de Polymorphie n'est pas éloigné.
Dugelay est lui toujours dans Bigre!. On l'avait aimé également dans RYR, et on le découvre ici dans Polymorphie, un groupe qui a toujours tangenté l'existence du collectif avec des effectifs changeant. On retrouve ici un septet avec un propos très contemporain, et des compositions ouvertes et nerveuses, toutes signées Dugelay. On retrouve également, pour ce disque intitulé Voix, le timbre acidulé de Marine Pellegrini, chanteuse de N'Relax, que nous avions déjà évoqué à l'occasion d'un disque commun avec Bigre!. On retrouve d'ailleurs l'univers de la chanteuse dans le morceau inaugural "Le Berger", rempli de Merveilleux et avide d'épithète qui pose l'atmosphère générale de l'album.
On appréciera notamment sa prestation sur la "Suite NC", où avec ses comparses, elle rend hommage à des textes de Nick Cave, et notamment un fantastique "Happy Birthday". Sa fausse candeur enfantine, celles des contes, transforme peu à peu l'atmosphère très entropique de l'orchestre en une fable à l'étincellante noirceur où les abstractions électroniques d'Edouard font miracles. Il faut notamment entendre le travail d'abstraction sur "Mercy Seat", dernier texte de la suite.
Le groupe, qui a bien choisi son nom, semble pouvoir embrasser plusieurs ambiances, plusieurs couleurs... Mais c'est dans cette sécheresse de ton, qui n'empèche en rien la multitude d'images qu'il semble s'épanouir idéalement. La fausse austérité du propos permet d'axer avant tout sur le mouvement et l'énergie, absolument omniprésente.
Son énergie, comme sa rudesse, Polymorphie va la chercher dans des inflexions électriques appartenant au métal, une esthétique peu éloigné de groupes comme Lunatic Toys et qui tangente la jeune génération des improvisateurs depuis quelques années... La présence de Clément Edouard n'y est certainement pas étrangère, mais c'est cependant la guitare baryton de Damien Cluzel, également membre du trio purement hardcore Kouma avec Dugelay et le batteur Léo Dumont, qui forge cette esthétique. L'absence de basse, remplacée par la guitare baryton donne une fluidité, une agilité qui précipite le groupe dans une musique écorchée vive, acide, qui met en valeur la force omniprésente des cuivres et la puissance du batteur. Le meilleur exemple réside sans nul doute dans "Cell", le meilleur morceau de l'album, où à l'ostinato nerveux du guitariste répond un jeu de timbre complexes où l'on retrouve la force de frappe des soufflants de Bigre!, les trompettistes Félicien Bouchot et Lucas Garnier en tête. Très compact, le septet trouve avec cette formule une parfaite une grande efficacité et une liberté de ton qui font les réussites.
Un très bon disque.
Et une photo qui n'a strictement rien à voir...