Vincent Courtois - Mediums
Avec son précédent disque sur le label La Buissonne, L'imprévu, le violoncelliste Vincent Courtois visitait des paysages paisibles et inexplorés et des fables singulières. On se souvient également de sa collaboration avec le conteur africain Ze Jam Afane qui révélait un fantastique metteur en son, sensible et lumineux qui aime à bâtir des atmosphères.
Vincent Courtois aime les histoires et prend plaisir à les conter, à densifier les ombres et les couleurs de ses musiques souvent très oniriques et pénétrantes. Son nouvel album, Mediums, en compagnie de deux saxophonistes Ténor reprend cette atmosphère narrative étrange, très bien mis en valeur, mais c'est une habitude, par Gérard de Haro dans son studio/label.
A ses côtés, on retrouve Daniel Erdmann, connu pour sa formation Das Kapital et Robin Fincker, aperçu au sein du Surnatural Orchestra mains également de Farm Job, quartet toulousain où l'on retrouve ce goût pour les atmosphères spectrales et pleine d'espace qui se construisent avec constance.
Mediums est un disque très personnel, qui évoque le monde forain. Il fut celui de l'enfance pour le violoncelliste, et c'est un regard d'enfant émerveillé et un peu inquiet qui contemple cette musique. On entre dans cette histoire par petites touches allusives, par des saynètes incongrues et des instantanés insolites qui rappellent parfois l'univers de David Lynch ou celui des « Gothic Postcards » de Tim Burton, le tout en miniatures. Dans un morceau comme « Entresort » ou encore « La femme sans corps », la narration devient inquiétante et ambivalente, comme ces rêves pénétrants aux effluves interlopes, comme des bulles de souvenirs parfois un peu canailles.
Ecoutons l'épatant morceau « Mediums » qui au-delà de son titre donne le ton à cet album. On s'attache à cette ritournelle simple, rythmée par Courtois et chantée par Erdmann, le tout soutenu par le timbre gouailleur de Fincker. On a envie de suivre les déambulations de cette caravane, entre fête foraine solitaire (la remarquable suite « Bengal » pleine de poésie chambriste) et cirque abandonné (le languissant « La nuit des monstres »). Cet album est une plongée au cœur d'un monde embrumé de souvenirs. Le beau livret ajoute une étrangeté supplémentaire à cette approche photographique, faite de petites phrases courtes qui décrivent en peu de mots l'histoire dans laquelle le trio va nous embringuer.
Le titre en lui-même est évocateur. Il apporte son lot de bizarreries surnaturelles et de figures hautes en couleurs. Tout cela s'entremêle bien aux voix du violoncelle et de ces deux ténors aux timbres liés. Ce jeu de masque, tout comme la relation particulière entre ces instruments ajoutent évidement à l'atmosphère équivoque et très spontanée de ce disque.
Dans « Une inquiétante disparition », par exemple, qui parle ? Est-ce l'archet qui caresse les cordes où l'anche qui souffle ? Y-a-t-il eu symbiose entre les deux soufflants ou chacun est-il parti dans une direction différente ?
Au fur et à mesure que l'on écoute ce disque plein de surprises et de recoins, on est pris de doutes et d'interrogations. L'histoire semble mouvante à mesure qu'elle nous est familière, comme les maisons hantées de notre enfance où chaque changement d'ombre pouvait rendre terrible n'importe quel objet inoffensif. Mediums est un disque troublant qui s'instille dans l'imaginaire et y laisse quelques images baroques. Une question nous brûle : Vincent Courtois ne serait-il pas un peu medium ?
Et une photo qui n'a strictement rien à voir...