Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
Derniers commentaires
Newsletter
30 abonnés
Archives
1 décembre 2012

Claude Tchamitchian Quartet - Ways Out

Quiconque a déjà eu la joie de voir Claude Tchamitchian sur scène sait que toute nouvelle proposition musicale du contrebassiste est un évènement, une descente dans les profondeurs les plus vibrantes de la contrebasse avec une douceur infinie... De ses collaborations avec le pianiste Stéphan Oliva ou Andy Emler jusqu'à ses propres formations, le grand Louzadsak en tête, chacune de ses prestations est un évènement.
C'est pourquoi Ways Out, son nouvel album sorti sur le label Abalone du violoniste Régis Huby, que l'on retrouve ici dans un quartet de feu était attendu avec une certaine excitation ; disons-le tout net, elle était plus que justifié !
On connait le contrebassiste pour son approche organique et terrestre de son instrument, chambriste parfois dans des formations comme Amarco. Le voici entouré d'un quartet qualifié d'électrique avec Rémi Charmasson à la guitare électrique et Régis Huby au violon électrique, soutenu par le très musical batteur Christophe Marguet. Un quartet de feu pour une musique pleine d'aspérité et de densité.
Tcham électrique ? voilà qui interpelle... Les musiciens qui l'accompagnent usent de l'électricité pour développer une musique qui conserve avant tout son aspect charnel, véritable marque de fabrique du contrebassiste. L'électricité et ses effets induits sculptent différemment la pâte orchestrale de Tchamitchian, mais ne perd jamais en délicatesse ce qu'elle gagne en densité.
A l'écoute de "Poésie Mobile", on comprend vite le sens de cet album. Au centre de ce quartet, la contrebasse est un pivot solide à la sérénité volubile, entourée de cordes amplifiées qui travaillent le son toujours aussi boisé de cette contrebasse. Le jeu de Tcham semble contenir l'électricité rageuse de trois autres, repliée sur elle-même, qui ne demande qu'à bondir. C'est Marguet qui souvent la libère, comme dans cette "Ile de verre" où se fracassent les flots incessants du violon d'Huby.
Quant à Charmasson, son jeu de guitare fait toujours merveille. Par instant, dans le très beau "Les promesses du vent" notamment, on retrouve la complicité dont les deux musiciens avaient témoigné dans le magnifique Äänet, avec cette dimension élémentaire, physique, où les entrelacs de cordes créent une trame à la fois solide et versatile. Ce travail de corde est rythmé par Marguet qui porte ses cymbales au fer en gifflant la masse orchestrale.
La force de ce Ways Out, est de réussir à jouer une musique puissante, heurtée parfois sans pour autant que ne se pose réellement la question du rock. Il ne s'agit ici nullement de "rock", à moins de n'avoir que trop distraitement écouté "Ways Out", le premier morceau. Cette longue pièce est certes un ardent crescendo où Charmasson fait parler la poudre à mesure que le drumming de Marguet se fait plus lourd, mais celà interroge plus la compacité que la puissance. "Ways Out" est un morceau jouissif, orgiaque même dans sa densité rythmique, mais nullement "rock"... Après les déflagrations nerveuses de la guitare, une sorte de calme précaire mais inexorable s'instaure par la puissance de la contrebasse, à l'archet puis en pizzicati languides.
Il s'agit avant tout de confronter un univers chaleureux et lumineux à la froideur crue de l'électricité. Evidemment, on trouvera ici ou là des idiomes communs avec le Velvet Underground ou Led Zeppelin, et même peut être Pink Floyd ("La beauté des sages"). Mais ce n'est que le langage vernaculaire de l'électricité que Tchamitchian reprend ici à son compte pour étendre son propre langage.
Pour s'en convaincre, il suffit de se plonger dans le magnifique "Etchimiadzine" au pivot de l'album. Ce morceau, sans doute le plus émouvant de cet album sensible joue sur les distorsions légères des cordes amplifiée pour évoquer les grands espaces arméniens chers au contrebassiste. Marguet joue une marche imperturbable et le quartet très égalitaire avance d'un même pas, implacable et en constant mouvement. Ways Out est un album remarquable, tannique, qui -je rejoins mon camarade Matthieu Jouan- s'inscrit parfaitement dans une cuvée 2012 décidément formidable...

 

07-Tcham-6

Commentaires