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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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11 avril 2014

Henri Roger - Parole Plongée

Il y a une tautologie à écrire que les musiques que nous défendons, celles qui ont un corps, une âme et une chair sont des histoires de rencontres. Des histoires de moments, de croisements, de mouvement vers l'autre.
C'est exactement ce qui vient à l'esprit lorsqu'on écoute Parole Plongée, le nouveau disque que le pianiste Henri Roger bâtit avec les deux inséparrables de la base rythmique, le contrebassiste Benjamin Duboc et le batteur Didier Lasserre. Alors quitte à écrire des platitudes, faisons le jusqu'au bout, jusqu'à plus soif : le trio que forme Henri Roger avec ses deux comparses est de ces belles rencontres qui interroge la forme la plus basique du jazz et des musiques improvisées : le trio piano/basse/batterie.
Un trio qui s'étend de toutes les formes possible de ses trois angles, de la ligne la plus droite au pic acéré en passant par le triangle le plus isocèle qu'il soit.
On a pu constater, dans le récent disque de Benjamin Duboc avec quelle flegme intransigeant il se colletait à un standard ; on peut dire la même chose de ce trio. Avec Lasserre, il traduit une puissance apaisée, presque mélancolique que le batteur habille d'un frottement. Tout au long de l'album, on penserait le batteur absent ; il est omniprésent, il densifie, il amplifie, il calme. Parfois aussi, il brise, il sépare, il tranche avec la même volonté de faire avancer le trio avec cohésion.
C'est ainsi que débute l'album avec "Sables" dans lequel on pénètre avec sérénité, entrainé par le calme apparent. Comme les masses mouvantes d'un désert, on perçoit très vite que la douce caresse peut devenir pesante, écrasante parfois quand bien même elle se laisserait porter par le vent. Un vent qui danse sur le clavier d'Henri Roger.
Un souffle qui se perd dans des labyrinthe de basse qui rend le propos parfaitement sinueux, qui se poursuivra dans une configuration plus dense et plus heurtée.
Heureux Henri ! Sur la collection Facing You du label Instant Music Record, il rencontre toute la fine fleur de la scène improvisée française avec une simplicité et une convivialité qui exsude de l'enregistrement. Ici, plus que dans ses précédents albums, on perçoit une forme de douceur : il n'y a pas d'entrechoc ni de rapport de force. Il s'est mué en complicité et en intimité. On connaissait le lien télépathique qui anime Duboc et Lasserre ; on ne l'imaginait pas avec Roger. Pourtant, à l'écoute de "Thé ou Café ?" où le trio fait montre d'une ligne égalitaire aussi directe qu'elle est mouvementée, elle saute au visage.
Dans ce disque court, les trois musiciens modifient sans cesse leur position dans l'échange pour faire évoluer la topographie de leur trio. Sans limites définies, ils pourraient s'égarer mais il reste groupés et solidaires.
Dans cette mutation continuelle, ils épousent différents langages, différentes interprétations, comme on éclaire une forme de divers angles antagonistes pour que des ombres différentes se forment, jusque dans ce "Ré-Horizontalisé" qui reprend la lente progression du début avec une langueur chaleureuse.
Un magnifique propos kaléidoscopique sur l'art du trio.

Et voilà deux tiers de ce trio...

23-Coursil-trio

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