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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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2 mai 2016

Soli BeCoq

Après ce dossier que je pense relativement complet sur le label BeCoq, paru sur Citizen Jazz hier, il semblait important de revenir sur l'objet Soli, récemment sorti par le label.
Objet, le mot est juste, tant il dépasse même la musique en elle-même. Thomas Coquelet, à l'occasion de l'interview qu'il a accordé au magazine parle de fanzine.
C'est une référence, mais est-elle vraiment juste ?
Rappelons quand même ce qu'est l'objet : un livret en papier dessin, avec des œuvres sérigraphiées, qui contiennent trois disques, trois solo, qui sortent de tirettes en papier fort, cachées entre les dessins.
Tiré à 180 exemplaires numérotés, on est dans l'objet de collection.
Il faut effectivement prendre en compte ce choix sémantique : le fanzine, c'est l'outil de l'underground, d'une certaine époque, d'une certaine marge, d'un rock qui ne satisfaisait pas du commerce.
Le Fanzine -j'en ai été, et de bon nombre-, c'est l'endroit où se croise toute sorte de chapelle au ban de l'industrie, là où les choses se mêlent, s'hybrident, se disloquent. C'est un livret, avec une liberté artistique totale et un bricolage génial.
Alors OK.

Gif-BeCoqsmall


Soli, avec ses sérigraphies colorées et un peu trash, avec ses bonhommes qu'on croiraient sorti d'une revue underground où Killofer aurait croisé l'avant-garde ricaine est un fanzine.
Mais on est en droit de se dire que la modestie est une chose noble, mais qu'il y a une dimension artistique qui va au delà du simple fanzinat. Tant dans la qualité des dessins (je pense que mes amis des Vibrants Défricheurs regardent l'objet avec concupiscence) que dans les albums, et les artistes choisis. C'est ce sur quoi nous allons revenir en quelques mots.
Avant tout de chose, il y a une cohérence dans les trois solos, même si l'un est assez différent des autres.
Love Fuck Love de Maxime Petit, le bassiste de Louis Minus XVI, enregistré au Pays-Bas en studio tranche avec les deux autres. Le propos est plus émacié, plus écorché, plus rock également. Sa basse est sèche, dure, opiniâtre. En deux morceaux, il en explore chaque frête, chaque écho, chaque larsen. S'il y a un point commun avec ses deux compères d'objet, c'est sur l'aspect lancinant de la musique, même s'il n'y a pas la dimension spatiale, presque architecturale que l'on peut retrouver dans Plugged Inclinations de Jean-Luc Guionnet.
Le solo de Guionnet, enregistré à la Malterie est un modèle du genre. Il est très différent de ce que l'on évoquait il y a peu avec Luis Lopes. Quoique. Il y a tout autant cet engagement total et cet intérêt pour la matière, mais celle-ci n'est pas fusionnelle comme elle peut l'être lorsque c'est le saxophoniste qui joue. Avec ses claviers et ses machines, ses sons vintage et ses bourdons, Guionnet prend la masse du lieu à bras-le corps. Il la malaxe, la laisse reposer, la gonfle parfois. Il parvient même à la rendre étique. En un mot il la sculpte avec une concentration qui se perçoit dans ce long morceau de près d'une heure qui est une performance qui s'accorde là aussi à merveille avec l'objet Soli, qu'on compulse en même temps.

Les similitudes entre le solo de Guionnet et celui de Yann Gourdon sont en revanche prégnantes. Et le solo de vieille à roue enregistré à Liège -et justement appelé Liège, comme ces choses sont bien faites- est certainement le chapitre le plus époustouflant de cet ouvrage.

Le vénérable instrument joue ici à merveille de son caractère obsédant, mais aussi de sa capacité à se transformer en générateur de son, en petit infléchissements de la masse bruitiste que Gourdon construit avec une grande patience. Là encore, le membre du collectif auvergnat La Nóvia qui marie le traditionnel et l'expérimental profite d'une longue plage d'une heure pour travailler son monochrome, ses légers mouvement de cordes, ses poussées soudaines d'énergie. La vielle est un instrument fascinant, qui paraît tout un orchestre, tout un monde lorsqu'elle est utilisé ainsi. C'est aussi un instrument populaire, qui sait être gouailleur. On adore.
Comme on adore la liberté de BeCoq, qui s'offre la possibilité de réaliser ce genre d'objet total.

Et une photo qui n'a strictement rien à voir (n'est-ce pas...)

Cocorico_s

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