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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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24 septembre 2016

Jason Roebke Octet - Cinema Spiral

Sideman réclamé, le contrebassiste Jason Roebke est de nombreux projets de la scène de Chicago, dont il est un pivot, même si depuis quelques années, il s'impose comme un leader d'évidence.
C'est ainsi qu'on l'a vu aux côtés de Tomeka Reid ou de Jeb Bishop, mais aussi de son vieux complice le vibraphoniste Jason Adasiewicz qu'on a pu récemment apprécier avec Keefe Jackson. Les trois derniers sont membres de cet octet de rêve, véritable dream-team d'une certaine scène chicagoanne mené par le contrebassiste qu'on avait pu découvrir sur le label Delmark en 2014 avec un remarquable Red High Center.
L'équipe est reconduite à l'identique pour ce Cinema Spiral, enregistré fin 2014 et sorti sur le label lituanien NoBusiness Records au début de l'été. C'est ainsi qu'on retrouve, dans cet orchestre à cinq soufflants, le trompettiste Josh Berman. Son dialogue avec Adasiewicz et Roebke sur "For a Moment" est l'un des temps fort de l'album, tout en finesse et en douceur. Au regard du line-up et du nombre d'associations naturelles et anciennes, on pouvait imaginer que Roebke fasse parler la poudre. Il n'en est rien : même le batteur Mike Reed souligne plus qu'il ne frappe, faisant preuve d'une musicalité sans retenue.
En témoigne la fabuleuse entrée en matière "Looking Directly Into The Camera", où le batteur fait siffler ses cymbales en même temps que d'autres font siffler les anches pendant le solo profond de la contrebasse, soutenu par la tension du vibraphone. Il y a avant tout une remarquable dynamique d'orchestre où les rares soli servent à offrir de l'espace plus qu'à le réclamer. La volonté de Roebke est de scénariser son orchestre, c'est la raison d'être de cette référence cinématique, même si ce n'est pas la seule motivation de ce Cinema Spiral.
A ce titre, le vibraphone est un biais narratif omniprésent, capable de tension...  Mais aussi d'une forme de connivence, dans ce free volontairement énorme, aux allures burlesques, qu'il organise par un calme qui tranche avec les cataractes de la clarinette contrebasse de Jason Stein et les relances incessantes de Bishop, comme toujours impeccable.
Où est le cinéma alors, dans ce disque de Roebke ? Partout, en fait, avec ses dialogues sans excès et ses rapports de force (l'axe Stein/Bishop/Jackson notamment sur "Waiting"), mais aussi dans l'impression hitchcokienne qui se dégage de nombreux morceaux et qui revient comme une forme de persistence non pas rétinienne mais auditive et qui donne à ce disque une aura particulière.
Le final "L'Acmé" est à cet effet la grande réussite de cet album. Le vibraphone d'Adasiewicz ordonne des soufflants qui arrivent de partout comme une scéance en trois dimension. Ca pourrait paraître turbulent, mais c'est très structuré, chaque mouvement est calculé, comme un gigantesque travelling où chacun aurait sa réplique, juste et parfaitement à-propos, jusque dans les tuttis.
Jason Roebke a le Director's Cut. Il en use avec parcimonie mais autorité, tant dans l'écriture des morceaux qui permettent à chacun de trouver du relief et du grain que dans chacune de ses interventions profondes et délicieusement boisées. C'est une grande réussite que ce disque qui met en lumière les acteurs d'une très belle nuit américaine.

Et une photo qui n'a strictement rien à voir...

97-Chaplin

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