Thomas Grimmonprez Trio - Kaléidoscope
Le trio de Thomas Grimmonprez est affaire de fidélité. On avait parlé de son précédent disque, il y a cinq ans quasiment jour pour jour, et le line-up n'a absolument pas changé. A ses côtés, on retrouve le contrebassiste Christophe Hache et le claviériste Jérémy Ternoy, c'est à dire une belle brochette de nordistes pour un propos où le Fender domine dans un premier temps.
Ce n'est pas un hasard si le disque sort chez Circum, le label lillois. Il s'inscrit dans un jazz résolument contemporain, à l'image de ce qu'on peut entendre dans le trio du pianiste Stephan Orins, qui a souvent collaboré avec Christophe Hache, notamment dans Flu(O).
Le propos de l'orchestre de Grimmonprez est animé par le même énergie, mais elle est moins abrupte, plus construite, s'appuyant sur des individualités à la technique irréprochable, qui ne nuit jamais à la dynamique d'ensemble.
« Morning Running » est tonique sans être agressif. Turbulent comme une joie de se retrouver et de se placer de nouveau dans un triangle foncièrement isocèle, où la batterie trame avec beaucoup de raffinement des espaces idéaux pour que ses deux comparses s'égaient.
Mais bien vite, le Fender laisse place à un piano très marqué par le bagage classique de Ternoy, et la couleur du disque en paraît chamboulé ; « The NAP » est l'occasion pour Ternoy et Hache de s'offrir une déambulation tranquille sur un tapis de caisse claire.
La contrebasse précise et ronde ouvre de nouvelles perspectives sans jamais totalement se détacher du collectif. C'est le cas également du leader qui un peu partout délivre quelque courts solo, toujours à propos et sans jamais tirer la couverture à lui.
Ca joue, c'est indéniable, et ça joue bien, sans esbrouffe particulière. Le trio fonctionne comme trois calques qui en se superposant créé des paysages en mouvement.
Voici sans doute ce qui donne son nom à l'album : Kaléidoscope, c'est exactement l'illusion qui prédomine. L'image est la même, une image urbaine comme la grande artère de Toronto qui illustre la pochette, mais elle se duplique à l'infini, passant d'une ballade sensible dominé par le Fender (« Sweet White Wine ») à des groove plus complexes et piquants (« Spicy Chocolate »). La circulation entre les musiciens du trio est idéale, et la fluidité est de mise.
Il y a dans Kaléidoscope comme un prolongement de Bleu, quelque chose d'assez naturel dans le jeu du trio qui semble poursuivre une véritable complicité. Il serait faux pourtant de dire que rien n'a changé.
De l'eau a passé sous les ponts : Christophe Hache est devenu le chef du Circum Grand Orchestra, Ternoy avec TOC a beaucoup exploré les coups de boutoir répétitifs de l'électricité (nous aurons l'occasion d'en reparler très bientôt sur Citizen Jazz, tout en participant à Magma... Quant à Grimmonprez, on l'a notamment vu aux côtés de Stéphane Kerecki. Les musiciens ont exploré des univers très différents, mais il revienne avec ce trio à une forme finalement essentielle. C'est ce qui donne beaucoup de clarté à ce disque, qui ne prend aucun chemin détourné.
C'est un registre personnel qui habite Kaléidoscope, comme le montre la chaleur d'un morceau comme « Meeting Place ». L'histoire d'une amitié saillante et fructueuse qu'on écoute sans bouder son plaisir.
Et une photo qui n'a strictement rien à voir...