Renaud Détruit & Florent Sepchat - Fines Lames
Ce sont les petites surprises des albums qu'on nomme digitaux ou "sans supports".
C'est qu'ils vous arrivent sans crier gare souvent d'inconnus, de jeunes pousses ou même ici de Fines Lames qui s'élancent dans un discours très personnel. On pense qu'ils sortent de nulle part, et puis en grattant un peu, on se rend compte que le vibraphoniste Renaud Détruit et l'accordéoniste Florent Sepchat appartiennent au collectif La Saugrenue, à qui l'on doit notamment le joli album du quintet Ygranka et en générale une musique très influencé par l'Europe Centrale et les Balkans.
Un tropisme voyageur, donc, pour ce duo aux timbres étonnants et aux duels mutins. Les fines lames ne sont pas seulement d'excellent bretteurs qui montrent toute l'étendue de leur virtuosité dans le remarquable "Reflets d'influence 1", écrit par Renaud Détruit qui signe les quatre morceaux originaux de cet album distribué par Believe Digital.
C'est également la nature même des instruments et des forces en présences, vibraphone cristallin et rieur d'un côté, accordéon rudoyant de l'autre qui ne laisse guère de place à la nostalgie ou au romantisme un peu trop pastel mais ne fait pas fi de la tendresse.
Pas de ça ici, on est là pour faire bouger les pieds, ce que "Pouki Pouki" d'Airelle Besson repris dans une douce valse. C'est un symbole de cet album qui est dans un travail d'équilibriste entre le jazz et la musique traditionnelle, entre la belle reprise du "Very Early" de Bill Evans et la "Nuit Rouge" finale. Entre l'aube et le crépuscule, pourrait on dire. Une éternité consacré à danser ; et l'on danse pour imiter les entrechats agiles des maillets et le souffle jamais tari des anches toujours libres de l'accordéon.
Très vite, l'échange entre les deux musiciens font songer à quelques duos plus anciens.
La formation classique de Détruit surgit au gré d'une discussion débridée entre deux volubiles, et l'on songe à un dialogue jadis tenu par François Salque et Vincent Peirani. C'est notamment le cas avec les deux miniatures de Bartók tirées de Mikrokosmos qui constituent le centre pour ne pas dire le coeur de l'album. Un coeur à la fois palpitant et qui retourne grâce à cela à leur premières amours. Celles des musiques d'Europe Centrale, le carrefour de toutes nos musiques.
Certes, le vibraphone n'est pas le violoncelle. Il y a quelques chose de plus bondissant et de plus léger dans un morceau comme "Sang Mêlé" d'Eddy Louis, mais surtout dans l'ingénuosité du "Vasco" inaugural qui nous plonge tout de suite dans une légèreté tout à fait rafraîchissante. On songera dans cette approche à un autre duo, tout aussi brillant, qui réunit Raphaël Schwab et Julien Soro. Une communauté d'idée qui passe par une approche simple et décontractée qui sied à merveille à ces Fines Lames.
Un disque idéal pour ce début de printemps.
Et une photo qui n'a strictement rien à voir...