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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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17 mars 2014

Tom Rainey - Obbligato

Sur ce point Wikipedia est très clair. L'obbligato, c'est "l'instrument obligé", la note on ne peut plus précise qui indique dans une partition que nul autre instrument ne pourra lui être substitué. Il est question de timbre, de technique, de couleur. Cet instrument là et nul autre.
Quel pourrait-être l'Obbligato de Tom Rainey, ainsi ? On sait l'américain à l'aise derrière des fûts et des cymbales, à délivrer une musique libre, complexe, parfois radicale. C'est en tout cas cette facette qui nous avait charmé dans le trio qu'il mène avec la saxophoniste allemande Ingrid Laubrock et la guitariste Mary Halvorson, dans tous les groupes de Laubrock (qu'on retrouve ici) ou encore avec Tony Malaby. On se souvient de Pool School ou, surtout de l'Anti-House de Laubrock...
A quoi, alors, peut-on obliger un tel musicien ?
L'Obbligato de Rainey, plus qu'une obligation, c'est un passage obligé. Une sorte de tribut sans frontière temporelle au jazz, proposé par l'une de ses têtes chercheuse New-Yorkaise en dix titres sortis tous droits du Real Book.
Et pour ce faire, le batteur a convoqué sur le label suisse Intakt Records un quintet tout ce qu'il y a de plus obbligato lui aussi : piano, batterie, contrebasse, saxophone et trompette.
Pour un peu, on se croirait revenu au milieu des années 60 !
C'est d'ailleurs ce qui étonne. Ces musiciens là se lançant dans cette musique là. Dans ces standards qu'on a pas l'habitude d'entendre dans leurs doigts ou sous leur souffle. Ainsi, le Long Ago And Far Away (chanson de Jérôme Kern, créé par Rita Hayworth puis joués par des musiciens qui vont de Eroll Garner à Paul Bley) est un modèle de construction classique avec le dialogue inaugural entre la contrebasse impeccable de Drew Gress et une batterie moins coloriste qu'à l'accoutumée et centré sur la pulsation. Mais tout ceci n'est qu'une impression.
Comme le remarque avec beaucoup de justesse Philippe Méziat pour Citizen Jazz, il ne reste souvent de ces standards que des squelettes. Un squelette sur lequel le quintet de Rainey vient proposer un discours collectif dense qui semble avancer d'un bloc.
Pour l'accompagner, Rainey s'est d'ailleurs entouré de fidèles. parmi ceux là, deux femmes : Ingrid Laubrock l'omniprésente, qui propose une lecture très intéressante et sensible du "Reflections" de Monk avec une douceur assez inédite et Kris Davis qui est parfois la détonatrice de l'ensemble (on écoutera Good Citizen qu'il partage avec elle et John Hébert). C'est ainsi que sur "Yesterdays", elle pimente d'abstraction un bel échange entre Gress et le trompettiste Ralph Alessi qui clôt ce quintet.
A tout prendre, on aimerait que le trio de Rainey soit au complet dans un sextet -on aurait presque envie de dire un double trio- et que Mary Halvorson viennent renverser la table sur certaines interprétations. Qu'elle électrifie le solo impressionnant du batteur sur "Prelude To A Kiss". Qu'elle souligne son jeu de cymbales sur "In Your Own Sweet Way". Certaines lectures d'apparence trop sage, quoique jamais tétanisées par le respect peuvent le faire regretter. Et puis l'on se penche sur l'exercice de déconstruction remarquable du batteur. On ré-écoute le "Reflections" de Monk, la fluidité de l'échange des soufflants et la profondeur de la base rythmique.
Il y a certains passages obligés où l'on se plait à revenir malgré tout...

Et une photo qui n'a strictement rien à voir...

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