Electric Vocuhila - Marquises
Chaque année, la fournée des lauréats de Jazz Migration est l'occasion de mettre en lumière une sélection d'orchestres hexagonaux de jazz parmi les plus prometteurs. On s'enorgueillit, ici, d'être souvent en avance sur les choix et d'avoir chroniqué les disques des impétrants en amont de leur sélection.
Ce fut le cas l'année dernière avec un grand chelem...
On est pas mal cette année avec un deux sur quatre, et même trois si l'on compte la présente chronique de Marquises, qui roudillonne dans le marbre du blog depuis quelques semaines.
Ainsi donc, il n'y a sur la sélection 2016 que Chromb! dont nous n'avons pas parlé ; encore que : le batteur Léo Dumont de Kouma et Polymorphie n'est pas un inconnu. Pour le reste, Un Poco Loco et Schwab/Soro ont déjà été chroniqué. Reste Vocuhila, qui ne sont pas des inconnus. Leur version Electric Vocuhila nous offre un des EP les plus rafraichissant et furieusement dansant du moment.
Une bonne cuvée, donc.
L'entité Vocuhila fait depuis quelques années les beaux jours du Capsul Collectif installé à Tours. Un groupe que nous avions eu l'occasion de rencontrer en trio à l'occasion de Collision Collective. Le compte-rendu fut publié sur Citizen Jazz. Electric Vocuhila est différent, en quartet.
D'abord parce que -son nom l'indique- l'électricité y est omniprésente avec la présence du guitariste Boris Rosenfeld et le remplacement du contrebassiste Jean-Jacques Goichon par le bassiste électrique François Rosenfeld.
Une fratrie qui joue avec beaucoup d'agilité d'une musique résolument tournée vers l'Afrique : on peut s'en persuader dans l'excellent "Joo Joo Boogy" ou la basse groove sur une guitare qui boucle une danse frénétique.
Une électricité qui n'est pas contondante ou acide, mais au contraire cherche à entraîner les deux autres comparses dans une forme de frénésie très communicative. Voire ainsi "Italiques" où la guitare entraîne le saxophone dans un duel férocement joyeux qui s'autorise toutes les ruptures.
Il y a dans la musique de Vocuhila une frénésie urbaine qui évoque le fantasme des townships survoltés d'Afrique du Sud, mais également les joyeux exutoires de la musique populaire d'Afrique de l'Ouest, celle d'un Orchestra Baobab qui aurait tourné free. Un morceau comme "Répons" s'inscrit dans une tradition mandingue mâtinée d'Afrobeat, dans le ténor caniculaire de Maxime Bobo et la batterie orageuse d'Etienne Ziemniak, les deux tenanciers de la maison Vocuhila, ceux qui mettaient déjà le feux aux poudre colemaniennes dans la formule en trio.
Le goût du free, farouche et libertaire reste très présent dans Marquises, mais il n'a plus la syntaxe ornetto-colemanienne intégrale de la version trio. Certes, un morceau comme "Civil" reste très référentiel, au moins des vieux rêves de Don Cherry, mais le quartet cherche avant tout une transe, même mutante, au coeur de la pulsation. On y trouve de tout : des fausses routes, des clins d'oeil, des exultations électroniques, des explosions joyeuses.
L'album est très court, mais il se suffit à lui-même. Si on ne danse pas, c'est qu'on est mort.