Anne Pacéo - Circles
Il y a toujours une certaine tendresse dans ces pages à évoquer Anne Pacéo.
Ce blog a bientôt neuf ans, et son nom est apparu pour la première fois il y a 2815 jours (c'est mon moteur de recherche interne qui me le dit) à l'occasion d'un concert impromptu avec Texier et Laurent Dehors. Le chemin, qu'elle avait déjà entamé en se faisant repérer assez tôt dans les milieux du jazz parisien, n'a cessé de défiler. Soutenu et même couvé par Laborie Jazz, qui a toujours édité ses albums.
C'est avec plaisir que ses trois premiers albums ont été découverts, chroniqués, écoutés. D'abord avec son trio Triphase qui déterminait déjà un goût pour le voyage et une électricité qui harmonise une musique aux mélodies simples. Des musiques parfois assez acidulées, qui permettent de jolies errances.
Avec Yôkaï, la percussioniste visitait déjà un paysage onirique aux allures cosmopolites, fortement teinté d'Asie, comme en témoignait le titre. Le quintet était chimérique, plein de trouvaille, mais l'on sentait Anne attirée par le chant ; pas le sien, même si elle n'hésite pas à psalmodier derrière ses futs.
Il lui fallait des chanteuses, comme Jeanne Added, qu'elle accompagne sur scène pour notre plus grand plaisir. Il y a quelques temps, on avait pu la retrouver au côté de Marion Rampal dans le projet de Raphaël Imbert Music is my Home, et on retrouve son nom sur Circles, le nouveau disque d'Anne Pacéo.
Mais elle ne chante pas, elle signe deux textes en anglais, tout comme Leïla Martial, qui est la voix d'un quartet tout neuf où au côté de Pacéo, on retrouve le saxophoniste Emile Parisien et le clavièriste Tony Paeleman.
Ces deux là sont en charge avec la batterie de dessiner les arrondis, les entrechats presque d'une musique qui lorgne vers la pop, sans y plonger totalement.
Des petites bulles de pop, de la mousse, de l'écume, à l'image de "Tzigane" où le Soprano de parisien s'unit avec la voix électrisée de Martial avant que tout n'explose en une algarade entre solistes et ne ressorte comme propulsé du Fender de Paeleman.
C'est un parfait exemple du cercle, d'une sorte d'infinitude du propos qui semble revenir sur ses pieds, bipède joliment binaire, mais se retrouve toujours transformé, différent, augmenté.
Les cercles formées par le quartet ont la circonférence mouvante au gré de la voix de Leïla Martial. Comme dans son remarqué Dance Floor, elle éclabousse cet album de son talent, qu'Anne Pacéo met parfaitement en valeur. Sur "Toundra", elle se lance dans un proto-rap gavé d'électronique. Ailleurs, elle grince, chante, transporte la musique du quartet dans toute sorte de contrées et de latitude la plupart imaginaires.
Au premier abord tout peut paraître léger, presque futile. "Sunshine" est une petite ballade toute douce, avec un saxophone caressant des claviers chaleureux. Leïla Martial est gracile, porté par les vents et doublé par l'électricité. Il y a un côté nez-au-vent tout à fait agréable et sensible qui ne quitte pas un instant l'album.
Dans ces chansons au format pop, la batterie très en avant d'Anne Pacéo est à la fois la lanterne qui ouvre le chemin d'un tour du monde rêvassant, du "Myanmar Folk Song" qui transpire d'amour pour ce pays jusqu'aux "Polar Night" chaleureuses et étranges, et un point d'ancrage qui permet de rester contemplatif.
Contemplatif est certainement le mot qui définit le mieux cet album, qui semble être inspiré de petits instantanés de nature qui inspirent chacune des chansons.
On s'y sent bien.
Et une photo qui n'a strictement rien à voir...