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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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19 mai 2016

Carlo Costa's Acustica - Strata

Carlo Costa est un batteur italien installé à New-York qui apparaît régulièrement sur nos écrans radars. D'abord non loin de Frantz Loriot, puisque c'est sur le label du batteur, Neither/Nor Records que l'altiste a enregistré son étonnant solo Reflections on an Intropective Paths.
Egalement aux côtés de Jean-Brice Godet dans un quartet dont nous reparlerons bientôt (et pour lequel j'ai écrit les notes de pochette.). Il y a quelques mois, le batteur avait enregistré Runes avec son trio Earth Tongues sur son label. Un trio avec le tubiste habitué des orchestres de Braxton, Dan Peck, et Joe Moffet, un trompettiste qui tourne beaucoup avec le contrebassiste Pascal Niggenkemper, installé lui aussi dans la Grosse Pomme.
Etonnant trio de cliquetis et de souffles, qui charrie toute sortes de sons, d'émotions dans un apparent immobilisme qui se transforme parfois en une vague inéluctable, comme un monochrome d'embouchures et de cliquetis qui nous aspire dans un vortex de détails. C'est un noyau sur lequel Costa construit le présent album, en grand orchestre. Un noyau aride d'aspect mais réellement fructueux.
Deux disques qui se suivent chez Neither/Nor, et dans lesquels il faut voir comme une forme de suite ; en tout cas de prolongement. De martellement d'une idée, la chose est entendue.
On perçoit également une parenté avec la parole brute de Loriot ; qu'on ne s 'y trompe pas, il s'agit là d'une famille de musiciens, de jeunes agitateurs qui développent ensemble une esthétique commune, dans laquelle on peut également ajouter des orchestres comme WATT de Godet (entre autre) ou encore l'Aum Grand Ensemble (AGE) de Julien Pontvianne, qu'on peut rapprocher sans mal de ce Carlo Costa Acustica, qui est un orchestre de treize pièces qui est à plein d'égards une matrice de nombreuses aventures musicales récentes, en tout cas le ferment de nombreuses rencontres, et le témoignage d'une certaine scène.
Celle où se croise Dan Peck et Ben Gernstein, deux musiciens rencontrés récemment chez Ingrid Laubrock, mais aussi Pascal Niggenkemper et Jean-Brice Godet qu'on ne présentent plus ou encore du guitariste Todd Neufeld qu'on a pu voir aux côté d'Alexandra Grimal et dont les prises de paroles halvorsonienne nous le désigne comme un musicien à suivre.
Strata a beau se présenter comme une pièce unique de trois-quart d'heure, le continuum est tout de même marqué par des cycles, souvent décidé par le batteur qui joue avec parcimonie de ces percussions qui distribuent la parole à telle où telle partie de l'orchestre.
L'improvisation est centrale, mais l'on conserve cependant une forme d'écriture de pupitre, où chacun tour à tour doit tenir un rôle défini, qui s'articule en une succession de Mouvements. Ils peuvent être imperceptibles, ils sont fondés à se chevaucher comme des éléments d'un paysage en construction, mais jamais ils ne se balaient ou se renversent. La ligne d'embouchure Gernstein/Moffet/Peck cohabitent le temps de quelques souffles muets avec celle des anches de Godet/Jonathan Moritz (aperçu dans le Doomsayer de Michael Formanek avec Loriot) /Nathaniel Morgan.
Parfois, c'est l'alto de Miranda Sielaff qui s'allie au piano de Jesse Stacken. Tout est un assemblage de timbres extrêmement subtils, parfois dérangeant comme pour mieux nous tirer d'une méditation inquiétante, porté par ailleurs par les deux contrebassistes (comme dans AGE...) qui restent tapis dans une ombre qu'il contribuent à tramer à l'archet.
Comme souvent dans ce genre d'oeuvre très marquées par la musique contemporaine, c'est la spatialisation qui apporte la puissance à Strata ; la clarinette basse répond aux cymbales frottées comme un cristal précieux de l'autre côté du canal, la trompette s'instille au mileu, la guitare lui répond. Strata est conçu comme une spirale extrêmement élaborée qui a l'aspect d'une vis sans fin, on se retrouve à la fin au point où l'on était au début, non sans avoir visité bon nombre de climat et de sensations.
C'est le propre des voyages immobiles, certes, mais celui-ci est très intense.
Strata est un disque complexe, intense, mais surtout organique. On est tenté de dire sensuel tant il est garni de concentration et d'effleurements fugaces.
On s'y abandonne avec délice.

Et une photo qui n'a strictement rien à voir...

10-Errance-Malraux

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