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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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28 décembre 2014

Anthony Braxton - Composition N°46 (+168 and Langage Music)

C'est en écoutant il y a peu le Small Ensemble Music que Braxton avait enregistré il y a vingt ans que l'envie -toujours prégnante- m'est venue de me plonger de nouveau dans l'oeuvre du saxophoniste. Plus particulièrement dans son développement le plus récent, ou la limite ténue entre tous les idiomes musicaux devient plus floue et où de formation en formation, de morceau en morceau, son langage se raffine de plus en plus.
Nous en avions parlé à l'occasion de la sortie du trio avec deux batteurs, Tom Rainey et Tomas Fujiwara, mais le travail de la Tri-Centric Fundation dans la diffusion et le recensement de la geste braxtonienne est remarquable. Elle embrasse toutes les périodes et offre l'occasion de se pencher dans bon nombres d'enregistrements dématérialisés à des prix abordables.
Une version dématérialisée qui permet de multiplier les sorties et d'offrir un choix important.
Les douze solistes qui forment l'orchestre qui enregistre cette composition N°46 sont des fidèles de orchestres de Braxton. On y retrouve Nicole Mitchell à la flûte et Dan Peck au tuba, mais aussi Reut Regev au trombone, dont les glissandi représentent le centre physique des timbres de cet orchestres. Trois musiciens habitués du 12+1tet de Braxton, vaisseau amiral de la Ghost Trance Music (GTM), langage braxtonien qui conceptualise l'infinitude du dialogue autour de quelques bribes malaxées à l'envi par les solistes pour en faire un grand continuum de variations infinies qui contiennent leur propre évolution.
On trouve également dans cet orchestre Ingrid Laubrock, collaboratrice régulière de Braxton, mais dont ce n'est étrangement que la seconde participation à un enregistrement validé par la Tri-Centric Fundation.
La première sur un disque entier.
Cet enregistrement est différent des autres prestations connues de la formule 12+1tet. D'abord parce qu'on n'y trouve ni percussion, ni cordes ; 13 musiciens à vents qui jouent au Roulette, une salle de New-York qui accueille volontiers les musiques créatives. Un orchestre de soufflants qui prennent à bras le corps cette composition N°46 en marge de la création de Trillium J, en avril 2014. Le nouvel opéra de Braxton a en effet été joué quatre jours avant cette présente captation.
Tour de chauffe ? Non, opportunité d'avoir à disposition une telle palette. C'est l'évidence quand on écoute le hautbois de Libby Van Cleve, qu'on retrouve épisodiquement dans les orchestres braxtoniens depuis 20 ans (singulièrement les Trilliums) ou aux côtés de David Rosenboom, s'instiller entre le trombone de Regev et la clarinette basse de Josh Sinton dans le second tiers du morceau.
La composition N°46 est une composition ancienne, écrite à l'époque du Creative Orchestra, mais dont la première présence sur disque date des années 80, avec un orchestre italien où Braxton ne jouait pas. On en trouve trace également à la fin des années 90, avec Taylor Ho Bynum et James Fei, mais avec un instrumentarium plus restreint, sans les trois saxophones (Braxton, Laubrock et Jim Hobbs).
Elle est matinée de la composition N°168, pur produit des années 90 plutôt réservé aux duos. C'est d'ailleurs ce qui est intéressant ici et donne beaucoup de consistance à cet enregistrement qui ne joue que très rarement de la masse orchestrale, préférant l'espace donné aux timbres, qui semblent -dans le premier tiers de ce morceau de près de 45 minutes- venir de toutes part : c'est que les instrumentistes semblent marcher par paires. Par dialogues multiples qui s'entrechoquent et s'interpolent : un alto et un tuba, un clarinette basse et un hautbois, une trompette et un cor...
C'est cette sensation d'espace qui fascine à l'écoute de cet enregistrement. Rare sont les moments de heurts ou de face-à face. tout semble s'effleurer, s'imbriquer à merveille. Cela n'empèche pas la tension, notamment dans l'un des rares tutti, quand Stephanie Richards, jeune trompettiste à suivre, tourbillonne littéralement autour de Reut Regev, encore une fois brillante et incarnant à merveille cette jeune génération braxtonienne.
Une oeuvre indispensable.

Et une photo qui n'a strictement rien à voir...

12-Contraste

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