Fidel Fourneyron - High Fidelity
C'est amusant que Fidel Fourneyron commence la présentation de son solo High Fidelity en défendant l'idée de mise à nu. Le solo serait une mise à nu du soliste ; on n'a pourtant pas cette impression de nudité lorsqu'il s'agit d'un piano, d'une contrebasse, d'un violoncelle... De tous ses instruments qui ont l'habitude de parler seul, d'être soliste par essence.
Mais quand il s'agit d'un trombone, celui-ci est nu. Le trombone est toujours associé au collectif, à tort souvent, et de moins en moins, mais tel est l'image. Lorsqu'il prend un solo, le trombone déborde souvent d'un mouvement collectif. La plupart du temps, il construit les trames nécessaires aux autres de briller.
Quand il est seul, le roi est nu. Quand il est nu, sa vérité éclate.
C'est vrai, même si les solos de trombone ne sont pas si rare, de Mangelsdorff (figure tutélaire, ce n'est pas le "High Fidelity" inaugural et plein de growls qui dira le contraire) à Jacob Garchik, dans un autre style...
Fidel Fourneyron est un des orfèvres de l'instrument, ce que nous ne cessons de dire ici ou ailleurs. De Papanosh à l'ONJ, de Radiation 10 à Tower-Bridge, dès qu'il est dans les parages d'un orchestre, on le reconnaît ; il y a une "patte" Fourneyron qui se définit comme un mélange de puissance et de douceur, une impression qui se déniche décidément chez toutes les individualités de l'orchestre sélectionné par Olivier Benoît.
Parmi les trombonistes dont nous parlons souvent ici, les Blaser, Regev, Llado, Kornazov, Wogram, Tschopp, Fourneyron est de ceux qui a son monde à part. Une technique étendue qu'il met au service de différentes musiques, sans goût pour les étiquettes. Même s'il a un attachement pour la tradition jazz qu'il développe à merveille avec Un Poco Loco, sorti également sur le label Umlaut.
Il y a d'ailleurs beaucoup de point commun avec son trio. Une visite espiègle des racines du blues qui permet d'aller voir plus loin et d'interroger un monde de son.
On y est en plein dans son "Blues" en trois parties qui est sans nul doute le point d'équilibre de l'album. "Part 1" est un chant profond, guttural, où la coulisse vient donner une rondeur plaintive à la mélodie. Le son du trombone n'est jamais plein, rarement cuivré. Il est rêche, accrocheur, plein de relief. La "Part 2" est plus aérienne et puissante, avec une allure de brass-band soliloquant, quand dans la "Part 3" il tutoie un silence à peine effleuré par les sourdines... En trois morceaux courts, son Blues est passé par trois états tout en restant immuable dans sa solidité.
High Fidelity est de ces disques solo où l'imagination s'invente des orchestres. Ceux que nous offre Fidel Fourneyron sont plein de couleur à revendre, comme les dessins enfantins qui peuplent la pochette de son album.
Fidel a une technique époustouflante, son instrument passe du souffle au râle sans tomber ni dans la démonstration, ni dans la complexité virtuose. High Fidelity est un disque court, mesuré, très pensé. Ciselé, a-t-on envie de dire. Il nous plonge effectivement dans l'univers du jeune homme et dans son rapport amoureux au trombone.
High Fidelity. C'est d'abord de l'instrument dont il s'agit.
On ne peut que le comprendre.